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  • Le Mal du ciel: Musset et le sacré by Esther Pinon
  • Franziska Meier
Le Mal du ciel: Musset et le sacré. Par Esther Pinon. (Romantisme et modernité, 159.) Paris: Honoré Champion, 2015. 749 pp.

À l’image de Marguerite à Faust dans la traduction de Nerval, plusieurs écrivains et critiques littéraires du milieu du dix-neuvième siècle posèrent à Alfred de Musset cette épineuse question: ‘Dis-moi donc, quelle religion as-tu?’. Esther Pinon, sous la direction de Patrick Berthier et inspirée par des recherches récentes de Frank Lestringant, reprend la question en la reformulant: c’est maintenant le sacré qu’elle interroge chez Musset. Bien qu’à l’époque le substantif ‘sacré’ n’ait pas encore été formé, Pinon — qui énumère toutefois quatre-vingt-une occurrences de l’adjectif dans le théâtre, la poésie et la prose — considère que le phénomène est perceptible à la fois partout et nulle part, ce qui, à en croire les tentatives de définition(s) de la part de Roger Caillois et d’autres, concorde avec la nature même du sacré. Quel que soit l’angle sous lequel Pinon envisage l’œuvre de Musset — ‘Écrire le sacré’ (p. 37), ‘Musset face à la religion’ (p. 199), ou ‘Vers un sacré individuel’ (p. 441) —, elle finit par retrouver la même ambiguïté de fond: Musset vit dans la conviction douloureuse d’une déchéance irréversible de la religion instituée et [End Page 270] de toute croyance collective. En dépit de ce doute profondément ancré en lui, le poète reste fidèle à son aspiration au ciel ou à un idéal et souffre de ne jamais l’atteindre, toute recherche de pureté étant vouée à l’échec. Pinon retrace le parcours de ce désir, frustré dès le début et pourtant inébranlable dans le contexte de la religion, de l’amour et de l’art. En mettant au jour les citations bibliques ou mythiques disséminées dans l’œuvre, elle distingue chez Musset une conception personnelle du sacré, qu’on pourrait sans doute mettre en lien avec l’expérience nouvelle d’un temps qui s’accélère et dissout tout ce qui est figé. Face à la désillusion de départ, Pinon constate ce qu’on pourrait appeler une fuite en avant chez Musset. Ses personnages se résignent au déclin de la religion et se détournent ‘de l’idéal pour prévenir les désillusions (c’est ce que fait Desgenais et, dans une moindre mesure, le Musset de 1837)’, ou bien préfèrent ‘fermer délibérément les yeux sur le réel pour préserver le rêve, comme le faisait le Musset de 1827, ou comme le fait Philippe Strozzi’ (p. 630). En raison de cette ambiguïté de fond et des répercussions variées qu’elle a sur les personnages, Musset se trouve en décalage par rapport au roman-tisme français qui, en proie au doute, cherche à se rassurer dans et par la profession de foi catholique. Le travail de Pinon — qui collabore par ailleurs à l’édition des œuvres complètes de l’auteur — est minutieux et démontre une connaissance approfondie et remarquable de l’œuvre de Musset; mais on peut regretter une tendance excessive à fournir des exemples, ainsi que la longueur de l’ouvrage. Aussi intéressantes et convaincantes soient-elles, les conclusions proposées ne sauraient entièrement justifier les quelques 750 pages qui leur sont consacrées.

Franziska Meier
Georg-August-Universität Göttingen
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