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Reviewed by:
  • La ville by Max Weber
  • Christian Topalov
Max Weber La ville trad. par A. Berlan, Paris, La Découverte, [1921] 2014, 269 p.

Voici un texte dont la première traduction française de 1982 avait fait, par la magie d’une préface de Julien Freund, un classique de la sociologie urbaine, suivant la lecture déjà proposée en 1958 aux États-Unis par Don Martindale qui, curieusement, regardait la théorie urbaine de Max Weber comme un social behaviorism1. C’est d’ailleurs avec cette édition américaine que « Die Stadt », manuscrit inachevé écrit par M. Weber en 1911-1914, est devenu pour la première fois un livre indépendant. C’était l’époque où, au département de sociologie de l’université de Chicago, Morris Janowitz entreprenait de faire exister rétrospectivement une « Chicago school of sociology » et mobilisait de supposés grands ancêtres européens à l’aide de traductions assorties d’audacieuses préfaces : Charles Booth, Maurice Halbwachs et M. Weber subirent ce même sort à quelques années de distance. L’édition française, publiée dans la collection « Champ urbain » qui avait une douzaine d’années plus tôt importé « l’écologie urbaine » de Chicago à l’usage des sociologues français2, adoptait sans murmurer ces évidences venues d’outre-Atlantique.

Avec cette publication, Aurélien Berlan a mis un terme à cet intéressant malentendu. La traduction est entièrement nouvelle et assortie d’une introduction érudite et rigoureuse qui rend ce texte au temps qui l’a produit – retour au texte que Hinnerk Brühns avait engagé il y a quinze ans en montrant à quel point les préoccupations de l’ancien professeur d’économie nationale de l’université de Fribourg étaient étrangères aux urban studies du second xxe siècle3.

L’histoire éditoriale de « Die Stadt » est complexe : le texte – dont le manuscrit est aujourd’hui perdu, était inédit à la mort de M. Weber. Il fut d’abord publié en 1921 dans Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, revue que M. Weber avait co-dirigée, puis inséré dans diverses éditions de Wirtschaft und Gesellschaft, avec des modifications, des titres et des placements différents. C’est seulement en 1999 qu’une édition critique en fut donnée dans la Max Weber Gesamtausgabe, à partir de laquelle A. Berlan a établi le texte français. Celui-ci souligne le caractère collectif de l’entreprise, qui s’est appuyée sur un séminaire à l’université de Toulouse 2 et les conseils des meilleurs spécialistes de M. Weber travaillant en France. L’introduction offre une intéressante discussion de quelques difficultés de traduction : ainsi, il est rappelé que Bürger désigne également ce que le français a peu à peu distingué : « bourgeois », « citoyen » et « citadin », et qu’il faut donc rendre le même mot allemand par divers mots français selon les contextes (p. 36-38).

L’introduction discute surtout avec beaucoup de précision les intentions du sociologue lorsqu’il a écrit ce texte, un débat complexe qui passe par l’examen de sa place dans l’ouvrage collectif auquel il était destiné (Grundriße der Sozialökonomik, entrepris en 1909) et de ses rapports avec d’une part les textes où M. Weber a développé la théorie de la domination non légitime, d’autre part ceux où il a exposé les éthiques économiques des grandes religions. Pour nous en tenir à l’essentiel, disons qu’il propose dans La ville une généalogie de la bourgeoisie occidentale et, par là même, du capitalisme d’entreprise et de l’État bureaucratique – les deux grands thèmes qui parcourent toute l’œuvre, mais aussi les débats allemands de l’époque. Le site de cet avènement étant, aux yeux de M. Weber, la commune médiévale d’Europe du Nord, il en résulte une méthode qu’il définissait ainsi dans une lettre de 1914 au médiéviste Georg von Below : « Ce qui est spécifique à la ville médiévale, donc ce que l’histoire doit...

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