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Reviewed by:
  • Un autre monde du travail. La draperie en Normandie au Moyen Âge by Jean-Louis Roch
  • Philippe Bernardi
Jean-Louis Roch Un autre monde du travail. La draperie en Normandie au Moyen Âge Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, 336 p.

C’est un ouvrage singulier que livre Jean-Louis Roch avec cet Autre monde du travail. L’altérité revendiquée n’est pas celle d’une opposition à une histoire du travail que l’on pourrait désigner comme « classique ». L’auteur ne fait pas le choix de la polémique, il explore une autre approche du monde du travail. Robert Fossier soulignait le fait que « la nécessité de la synthèse écras[ait] les cas régionaux et les exemples de détail1 », et J.-L. Roch use délibérément d’une autre échelle, régionale et circonscrite à un métier, pour tenter d’éclairer la nature, l’organisation et l’originalité de la draperie en Normandie. En réponse aux questions « Pourquoi revenir après tant d’ouvrages excellents sur la draperie médiévale ? » et « Pourquoi choisir la Normandie comme région à étudier ? » (p. 20), il rappelle l’importance qu’a pu avoir cette industrie dans l’économie médiévale et l’opportunité qu’offre la richesse particulière des sources normandes de contribuer à dégager un pan de cette activité encore mal connue et, partant, de nuancer et enrichir notre vision d’ensemble.

L’ouvrage reprend huit articles publiés entre 1998 et 2010, complétés par de nouvelles enquêtes et fondus en six chapitres qui sont autant de « mises en perspective » du cas normand. Sont abordés successivement : le cadre technique et réglementaire; la dimension spatiale de cette activité et, plus particulièrement, la question des rapports entre villes et campagnes; l’organisation sociale de la draperie et ses limites. Les deux derniers chapitres envisagent des aspects plus économiques de la draperie et sont consacrés à la crise rouennaise à la fin du xve siècle et aux volumes de production. Le parti pris de l’auteur de traiter, par exemple, la dimension spatiale de l’activité de manière autonome par rapport au cadre réglementaire ou à l’organisation sociale peut être discuté, de même que son choix de séparer les conflits sociaux de l’organisation sociale.

En outre, il est justifié de s’interroger sur les changements d’échelle qui donnent, par exemple, autant d’importance à la crise de la draperie rouennaise de la fin du xve siècle qu’aux mutations techniques ayant affecté la draperie normande entre les xiiie et xve siècles. À considérer l’ensemble un peu rapidement, on pourrait penser que certaines divisions s’expliquent par la genèse même du livre et la nécessité de conserver la logique démonstrative des articles dont il est issu. Il semble toutefois qu’il y a là une posture heuristique de la part de l’auteur. En parfait connaisseur de l’historiographie, il ordonne son propos sans négliger aucun des aspects majeurs de celui-ci mais en procédant par une succession de points de vue.

Ceux-ci se présentent comme autant de dossiers richement documentés et relativement autonomes, propres à éclairer d’un jour particulier, à partir du cas normand, les grandes thématiques abordées, à les enrichir de cette nouvelle nuance. C’est ce que l’on observe, par exemple, dans la conclusion à laquelle en arrive l’auteur sur les rapports entre villes et campagnes : « La draperie ‘foraine’ de Rouen, celle du moins des années 1372-1424, ne doit pas être assimilée à l’émergence d’une ‘nouvelle’ draperie ou d’une draperie légère, comme on peut le voir, à la même époque, à Lille par exemple. Elle semble avoir été surtout un moyen de contrôler les flux de main-d’œuvre, c’est-à-dire d’adapter l’organisation corporative à la conjoncture » (p. 56). C’est ce que l’on peut lire dans les riches pages consacrées à l’organisation sociale de la draperie où est examiné, entre autres, avec beaucoup...

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