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  • La plèbe de Rome et sa culture (fin du iie siècle av. J.-C.-fin du ier siècle ap. J.-C.) by Cyril Courrier
  • Lindsey Vandevoorde
Cyril Courrier La plèbe de Rome et sa culture (fin du iie siècle av. J.-C.-fin du ier siècle ap. J.-C.) Rome, École française de Rome, 2014, x-1031 p.

Depuis que Zvi Yavetz a démontré en 1969 quelles étaient les limites d’une représentation caricaturale de la plèbe dans les sources littéraires1, l’intérêt pour les faits politiques et militaires événementiels s’est estompé au profit d’aspects touchant l’économique et le social. L’ouvrage de Cyril Courrier s’ancre d’emblée dans le débat qui tente de clarifier la complexité de la hiérarchisation de la plèbe. L’auteur tient en particulier à vérifier si la notion de « culture » est applicable à une plèbe qui se caractérise surtout par son hétérogénéité. Il part de la prémisse selon laquelle l’infériorité de la plèbe par rapport à l’élite n’implique pas nécessairement une absence complète d’autonomie ou de résistance. Son objectif consiste à « retrouver l’imaginaire social des plébéiens » (p. 5), en d’autres termes à vérifier comment des schèmes de représentation contribuent à l’apparition d’identités collectives qui se traduisent à leur tour en pratiques sociales. Il s’agit pour lui de démontrer que la plèbe de Rome ne s’assimile pas à un Lumpen-proletariat, sorte d’antimonde déraciné, affamé, malade et entièrement opprimé, qui serait privé d’identité, de culture ou d’opinion publique. Son argumentation s’articule en trois étapes.

C. Courrier dément catégoriquement dans la première partie de son ouvrage le urban graveyard effect, qui verrait en Rome une « villemouroir » (p. 24). Une partie non négligeable de la plèbe avait parfaitement accès à l’eau potable de qualité, pouvait varier les régimes alimentaires et ne vivait en aucune façon dans une situation de précarité hygiénique. Le niveau de vie des plébéiens excédait « de très loin la simple économie de subsistance » (p. 120). Leur environnement immédiat, leur « horizon culturel » (p. 127), se greffait sur les quartiers, qui les attachaient à l’Urbs où leur vie se déroulait dans les limites étroites des déplacements quotidiens et du logement. Les divers métiers qu’ils pratiquaient (où dominent professionnalisme et savoir-faire) contribuent essentiellement à circonscrire l’identité plébéienne. La plèbe romaine urbaine n’était pas constituée de « déracinés permanents » (p. 24); il s’agissait d’une population stable, se reproduisant, enracinée dans la ville et capable de pourvoir à ses propres besoins. C. Courrier remet donc en cause le cliché d’une masse informe et inculte, d’une foule qui se serait laissé brider tant qu’elle avait accès au pain et aux jeux.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la notion de plebs media. D’une analyse minutieuse qui vise à la définir et à en tracer l’origine, il ressort que ce groupe dit « moyen » est une élite qui, bien qu’appartenant à la plèbe, met néanmoins tout en œuvre pour se démarquer de ses strates les plus basses, de ceux que Paul Veyne appelle « les plébéiens tout court2 ». Dans ce contexte, C. Courrier cherche à vérifier à quels autres groupes pourrait s’étendre la définition de cette plebs media. Le raisonnement exposé par l’auteur incite à la réflexion. La délimitation géographique de son étude (la ville de Rome) empêche évidemment d’y inclure les *augustales, ces affranchis (souvent riches), absents de Rome, mais connus dans tout l’Empire, remplissant une fonction élitaire tout en appartenant au monde servile, et qui ne pouvaient participer au cursus honorum officiel. Mais son angle d’attaque se prêterait parfaitement à analyser le statut particulier de [End Page 981] ce groupe hybride, ces derniers...

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