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Reviewed by:
  • The Pariahs of Yesterday : Breton Migrants in Paris by Leslie Page Moch
  • Élie-Benjamin Loyer
Leslie Page MOCH. – The Pariahs of Yesterday : Breton Migrants in Paris, Durham-Londres, Duke University Press, 2012, 255 pages.

Spécialiste des migrations européennes, Leslie Page Moch revient à ses premiers sujets en se consacrant à la présence bretonne à Paris, du milieu du XIXe siècle aux années 1960. Le but affiché est de mettre cette migration intérieure sur le même plan que les migrations internationales et de poursuivre le travail de décloisonnement qu’elle avait commencé avec Moving Europeans10. L’ambition de l’étude dépasse donc l’exercice de synthèse, remarquable au demeurant, qui manquait encore sur cette migration importante dans l’histoire de Paris. Il s’agit plutôt de suggérer des parallèles avec l’expérience des migrants étrangers, en explorant l’intégration, lente et chaotique, d’une population bretonne peu qualifiée et majoritairement rurale, à la société urbaine parisienne.

Au-delà de l’immense variété des destins individuels, ce sont les mécanismes de cette intégration qui focalisent l’attention de Leslie P. Moch. C’est pourquoi elle entreprend de mener de front le récit varié et mouvant de l’expérience migratoire des Bretons et une histoire des préjugés qui lui sont associés. Les multiples sources littéraires mobilisées, qu’il s’agisse de la presse, de la littérature ou de la théorie médicale, laissent entrevoir une image stéréotypée de ces migrants, image véhiculée entre autres par des auteurs bretons hostiles à l’immigration : ruraux illettrés, ils seraient condamnés à la misère et à la maladie, risquant toujours de sombrer dans l’alcoolisme, la prostitution et la corruption morale. Le personnage de Bécassine tient une place centrale dans cette analyse et Leslie P. Moch s’en sert comme d’un fil rouge afin de démontrer l’érosion du préjugé qui manifeste selon elle l’intégration pleine et définitive des Bretons. Si Bécassine symbolise le préjugé breton même, de sa création en 1905 jusqu’à sa disparition devant les protestations indignées en 1939, elle se vide par la suite de sa dimension péjorative jusqu’à devenir neutre, voire méliorative lorsque l’idiotie initiale devient gentillesse.

En parallèle de cette histoire intellectuelle, évoquée parfois avec beaucoup d’humour, Leslie P. Moch entreprend de décrire cette immigration bretonne dans deux quartiers où elle est particulièrement implantée : le XIVe arrondissement de Paris et la commune de Saint-Denis. Elle combine dans ce but un travail de synthèse, qui brasse une importante bibliographie et une analyse des sources variées qu’on mobilise habituellement dans les travaux sur les migrants. Examinant les actes de mariage, elle utilise efficacement cette source bien connue de la démographie historique, dont elle tire des développements nombreux et précis. Ces données matrimoniales sont ensuite croisées, pour Saint-Denis, avec le recensement et les résultats auxquels Jean-Paul Brunet est parvenu à partir des listes électorales11. La démarche est fructueuse et ambitieuse, même si elle n’est pas systématique. L’auteur aurait pu ne pas cantonner ces croisements à un rôle illustratif, comme lorsque le recensement de 1891 est mobilisé pour deux adresses, dans deux rues de Saint-Denis réputées pour accueillir de nombreux Bretons (p. 44). D’autres sources sérielles sont mobilisées, comme les sources hospitalières qui sont surtout mises à profit dans une perspective de genre. Les registres d’entrées de la maternité de l’hôpital de Port-Royal que Rachel Fuchs a analysés en profondeur12, permettent notamment d’éclairer la fragilité sociale de ces jeunes femmes isolées, bien souvent domestiques et sexuellement vulnérables. [End Page 163]

Si l’approche statistique, essentiellement par le biais des mariages, constitue le socle du travail de Leslie P. Moch, elle ne s’en contente jamais et cherche en permanence à incarner son récit, à travers une approche micro...

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