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  • Sade et les Femmes: Ailleurs et Autrement ed. by Anne Coudreuse et Stéphanie Genand
  • Armelle St-Martin (bio)
Sade et les Femmes: Ailleurs et Autrement, éd. Anne Coudreuse et Stéphanie Genand
Paris: L’Harmattan, 2013. 215pp. €23. ISBN 978-2-343-02712-8.

Aborder aujourd’hui la problématique des femmes et Sade est loin de relever de l’évidence. En effet, depuis plus de deux cents, la femme a toujours été l’objet du regard des lecteurs de Sade, à commencer par Rétif de la Bretonne qui se lamentait qu’un écrivain puisse faire subir à une femme de tels supplices. Toutefois, cet intérêt porté à la femme sadienne a toujours été limité. Hormis l’étude d’Angela Carter, qui remonte maintenant à plus de trente ans, aucune enquête ne s’est attachée exclusivement à l’univers féminin de Sade. Les défis qui attendaient Anne Coudreuse et Stéphanie Genand étaient par conséquent multiples. D’abord, faire la synthèse des remarques, souvent d’une importance cruciale, parsemées dans la critique; même en se limitant aux cinquante dernières années, l’entreprise était de taille. De plus, les auteures ne pouvaient faire l’impasse sur les avancées apportées par les études sur le genre, très développées dans les milieux universitaires de langue anglaise, mais quelque peu marginales en France. Finalement, comment dans l’espace limité d’un recueil d’articles traiter d’une question dont l’amplitude demanderait une ou deux monographies, les femmes étant non seulement l’«enjeu d’explorations médicales, de réflexions politiques et d’analyses morales » (13) mais occupent aussi « l’ensemble de la fiction: dialogue, débats rhétoriques, dynamique narrative » (13); en somme « pas un domaine de l’œuvre dont elles ne se révèlent le point central » (13). On ne peut ainsi qu’être admiratif devant la perspicacité des directrices qui ont réussi à éviter les écueils des redites ou des évidences pour innover, tant au niveau de la forme de l’ouvrage que des idées qui y sont présentées, et ouvrir de « nouvelles pistes » (16) d’exploration entre Sade et les femmes. [End Page 610]

Quelles sont telles? Le première partie de l’ouvrage, « Les héroïnes sadiennes: le mythe d’un libertinage au féminin » bat en brèche les catégories étanches dans lesquelles certaines lectures avaient enfermé les femmes sadiennes. Michèle Vallenthini et Blandine Poirier portent un regard neuf sur le personnage d’Eléonore, héroïne du roman Aline et Valcour (1795). Eléonore permet de remettre en question la dualité Justine-Juliette mais aussi le mythe d’un Sade aristocrate. Par ailleurs Clara Carnicero de Castro s’attache à relever les contradictions du « féminisme militant » (39) de Clairwil. La deuxième partie du livre, « Les Lectrices de Sade: féminisme, émancipation, construction du genre » aborde la question stimulante du regard critique féminin sur Sade. Perrine Coudourier s’attache à deux figures emblématiques du féminisme des années 60: Simone de Beauvoir et Pauline Réage. À l’instar de l’œuvre romanesque de ces deux écrivaines, la fiction sadienne renvoie à la fois à une réflexion sur la condition féminine et à la difficulté des conditions pour l’émancipation de la femme. Quant à Juliette Feyel, elle tâche de reconstruire ce qu’aurait pu être le regard de Lacan sur Sade et sa représentation du féminin. Le résultat de cette tentative de « tirer les fils de textes disparates » (74) des séminaires lacaniens est que le psychanalyste interprète l’œuvre sadienne sur le plan des conflits psychiques qui agitent l’inconscient. De plus la lecture lacanienne du « diptype sororal » (80) que représentent Justine et Juliette, laisse entrevoir un homme libertin « soumis » (84) et prisonnier de ces deux instances féminines. Cette partie du recueil se clôt sur un article d’Anne Coudreuse qui ancre son enquête dans l’œuvre de la romancière et critique, Chantal Thomas. Anne Coudreuse montre comment les textes fictionnels de Chantal Thomas permettent de mieux approfondir des zones sombres des...

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