In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Cultural Representations of Massacre by Sabrina Parent
  • Cécile Rebolledo
Parent, Sabrina. Cultural Representations of Massacre. New York and London: Palgrave Macmillan, 2014. isbn 9781137274960. 209 p.

Chargée de recherche à la faculté de philosophie et lettres de l’Université libre de Bruxelles, Sabrina Parent s’intéresse à la notion d’événement en littérature. L’ouvrage qu’elle tire de sa thèse de doctorat, Cultural Representations of Massacre, s’inscrit tout à fait dans le cadre de cette spécialisation. En se focalisant sur un événement spécifique, le massacre de Thiaroye au Sénégal le 1er décembre 1944, Parent expose la complexité du rapport entre l’explication historique et donc supposée factuelle de la situation et sa représentation artistique et littéraire. Il s’agit là d’un projet pour le moins ambitieux, car la notion d’événement est loin d’appartenir exclusivement au domaine de la littérature ou de l’art; au contraire, et Parent revendique cette difficulté, l’événement, en tant que concept, se situe au carrefour de plusieurs disciplines telles que l’histoire, la politique, le journalisme ou encore la sociologie. Il faut donc reconnaître l’étendue du travail de Sabrina Parent, qui, en dépit de sa spécialité en littérature, a choisi d’élargir ses horizons pour se pencher sur d’autres champs d’analyse et proposer ainsi une synthèse de trois perspectives sur le massacre de Thiaroye: l’histoire, la littérature, et, plus généralement, la culture (car elle rend compte tour à tour d’essais, de pièces de théâtre, de poèmes, de chansons, de films, de dessins animés, et même de proverbes sur Thiaroye). Le projet d’une telle étude, avec les constants allers et retours qu’elle nécessite entre différents objets de réflexion et diverses disciplines, peut vite aboutir à un discours confus mais il n’en est rien: au contraire, Parent demeure claire, directe et sa logique est abordable même pour un lecteur qui connaîtrait peu la problématique exposée. La cohérence limpide de l’argumentation renforce l’intérêt du lecteur pour le sujet traité. Il faut cependant attendre la vingt-troisième page pour obtenir une description factuelle de la mutinerie en question. Or, Parent ne cesse de la mentionner, et même de la mettre au centre de son analyse, comme le souligne son sous-titre “Reinterpretations of the Mutiny of Sénégal.” Vingt-deux pages durant, le lecteur attend, dans sa découverte de l’histoire du Sénégal, cette explication cruciale qui arrive un peu tard mais qui éclaire brillamment le propos de Parent.

Le massacre de Thiaroye, bien que rarement évoqué en France, se trouve au centre de nombreuses controverses. Les historiens polémiquent à propos de son [End Page 222] importance et de sa signification pour l’histoire de la colonisation française en Afrique de l’Ouest; les politiciens français, lorsqu’ils sont contraints d’exposer leur opinion personnelle sur Thiaroye ou sur la colonisation en général, hésitent et ne satisfont guère le peuple africain avec leurs déclarations dépourvues d’excuses voire de remords. Pourtant, comme Parent s’attache à le démontrer, le massacre du 1er décembre 1944 représente non seulement un événement central pour le Sénégal et l’Afrique de l’Ouest, mais aussi un moment ultra symbolique, annonciateur de la mort imminente de l’empire français. Et c’est bien au débat et au symbole que Sabrina Parent s’intéresse: comment historiens et politiciens en arrivent-ils à discuter et à produire des désaccords sur le factuel? Comment et pourquoi un événement accède-t-il au statut de symbole? Quelles seraient les modalités d’un discours subjectif, aux idées arrêtées, qu’il se veuille historique ou artistique, sur un événement? Comment le récit historique nourrit-il l’art et la culture? À travers de nombreux exemples, tels que le poème “Thiaroye” (1944) de Senghor, le roman Morts pour la...

pdf