In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le Livre de poche. Une bibliothèque de la jeunesse
  • Suzanne Pouliot
Le Livre de poche. Une bibliothèque de la jeunesse. Numéro spécial de Cahiers Robinson 36 (2014). isbn 9782953617085. 198 p.

Ce numéro, sous la direction de Chantal Lapeyre-Desmaison, regroupe quatorze articles qui traitent, sous différents angles, de la place occupée par le livre de poche considéré, dès sa parution, comme un événement individuel et social. La mise en [End Page 201] contexte historique de cet objet de lecture daté et destiné en premier lieu aux civils et aux militaires, a été fort décriée en France lors de son apparition. Dans son avant-propos, C. Lapeyre-Desmaison raconte avec force détails les obstacles et les réticences rencontrés, mais aussi les collections mises sur le marché par les maisons Calmann-Lévy et Hachette, à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Elle insiste sur le fait que le format intrinsèquement lié aux œuvres patrimoniales et aux œuvres populaires renvoie à une certaine idée de la littérature et de son lecteur, mais aussi au statut du littéraire, à l’accession à la culture et à la notion même de la lecture, dans un contexte franco-français. Ce numéro laisse la parole à plusieurs auteurs pour lesquels le livre de poche a joué un rôle indéniable dans leur vie scolaire, universitaire et professionnelle, mais aussi dans leur vie sensible, affective et imaginative (10). Ces lecteurs réels donnent “lieu à la parole autobiographique du lecteur” (11) par le souvenir furtif d’une rencontre effectuée par l’intermédiaire de cet objet-livre. Les nombreux témoignages recueillis attestent du rôle indéfectible joué par cet objet caractérisé par son format. Pour sa part, Pierre Bergounioux résume les principales étapes franchies par le livre de poche, depuis ses origines, et l’impact que cet objet a eu sur la vie sociale: grâce à son accessibilité due à son prix, il a démocratisé la lecture et la culture, privilèges accordés jusqu’alors à la noblesse et à la bourgeoisie. Isabelle de Peretti poursuit sur cette lancée en examinant ce qu’en disent Les Temps modernes. Elle note que les détracteurs de cette revue culturelle ont surtout invoqué l’argument du mercantilisme et de la réification du livre, soit pour le commenter, le souligner, le réfuter ou le relativiser. Parmi leurs arguments, mentionnons la récupération de la culture par le capitalisme, la fin des petites librairies, le mode de diffusion. Pour Michel-Claude Jalard toutefois, le livre de poche est le véritable vecteur de la culture, après avoir connu des moments de tâtonnements, car “il ne diffuse pas seulement les gros tirages, mais aussi des livres qui ont peu rencontré leur public” (29). En somme, le livre de poche contribue à la mise en circulation du patrimoine littéraire et à l’élargissement de l’horizon des lecteurs par des souvenirs de lecture ou des pages de couverture qui ont marqué leur imaginaire. Dans une conception de la culture pensée comme braconnage, Pierre Francastel s’oppose à toutes les sélections qui sont faites pour les lecteurs. Les critiques formulées il y a cinquante ans concernant l’objet-livre sont aujourd’hui obsolètes, alors que celles associées à la diffusion du livre et au métier de libraire demeurent entières. Pour Guillemette Tison, la place occupée par les livres de poche de 1953–1964 se caractérise par une période de pénurie suivie d’une période d’abondance. Elle relate sa découverte de la littérature grâce au “texte intégral,” mention qui figure toujours sur les couvertures (43). Elle cite Yvonne Johannot qui observe dans Quand le livre devient poche, ouvrage paru en 1978 aux pu de Grenoble que, dans les années 1950, les grands romanciers du vingtième siècle tombent dans le domaine public, ce qui constitue une aubaine pour les éditions Le Livre de poche. En se référant à Isabelle Olivero, Tison qualifie les années 1960 “d’âge...

pdf