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  • Moyen-OrientLa rentrée littéraire libanaise
  • Carla Calargé
Majdalani, Charif. Villa des femmes. Paris: Éditions du Seuil, 2015. isbn 978202128017. 279 p.
Gharios, Michèle. À l’aube de soi. Ciboure: La Cheminante, 2015. isbn 9782371270275. 196 p.
Kojok, Salma. La Maison d’Afr ique. Paris: alfAbarre, 2015. isbn 9782357590557. 176 p.

un survol des ouvrages reçus à nos bureaux

Deux erreurs d’attribution, dont nous prions les auteurs et les lecteurs de nous excuser, se sont glissées dans notre numéro précédent:

  • –. L’analyse de Le Vent des rives de Rachel Bouvet a été attribuée à Roseanna Dufault alors que l’auteure en était Névine El-Nossery, University of Wisconsin-Madison.

  • –. L’analyse de Proses du monde de Nelly Wolf a été attribuée à Bruno Thibault alors que l’auteure en était Sophie Bertocchi-Jollin, Université de Versailles.

Majdalani, Charif. Villa des femmes. Paris: Éditions du Seuil, 2015. isbn 978202128017. 279 p.

Après les sagas des Nassar, des Cassab et des Khattar, c’est l’histoire de la famille de Skandar Hayek que relate ce cinquième roman de Charif Majdalani paru aux Éditions du Seuil à la rentrée de 2015. Le talent de conteur de l’écrivain, son imagination colorée et la profusion de détails sensoriels qui agrémentent la narration servent à reconstituer l’époque bienheureuse des années 1950 et 1960 pendant lesquelles s’opère au Liban la transition vers la modernité, avant que la guerre ne survienne et ne chambarde les assises mêmes sur lesquelles reposait la société. Perché sur le perron de la villa d’où il voit défiler tour à tour “les belles automobiles et les autocars bariolés, les marchands de quatre-saisons, les quincaillers ambulants et les vendeurs de tissu qui [portent] les rouleaux de taffetas et de coton comme des toges sur leurs épaules” (9), le chauffeur des Hayek jouit d’un point de vue exclusif qui en fait le témoin privilégié des splendeurs mais aussi des misères de la vie de ses employeurs. Confident du puissant Skandar, il n’épargne aucun moyen pour reconstituer l’histoire de cette maison dont il se veut le gardien de la mémoire et avoue recourir à l’imagination pour compléter les détails qui lui manquent. Mais ce monde est fragile [End Page 184] et les craquelures, déjà visibles, annoncent son irrémédiable disparition lorsque le patriarche décède soudainement et que la guerre surgit comme une mauvaise surprise à laquelle personne ne s’attendait.

Pourtant, au début de l’histoire, nul ne peut deviner que les années de gloire seront si brèves: Skandar Hayek règne en maître incontesté sur sa famille, sur son clan, sur ses vastes terres et sur sa florissante fabrique de textile.1 Ses alliances politiques avec les chefs des grandes familles musulmanes voisines lui assurent le contrôle du conseil municipal et ses bonnes relations avec les Palestiniens du camp de Hay-el-Bir servent à éviter des affrontements inutiles et à maintenir le calme. Ses employés le vénèrent et il arrive que, tel un démiurge, il décide de leur avenir et du déroulement de leur vie, tantôt en soustrayant une jeune servante à l’autorité d’un père despotique, tantôt en la mariant à un ouvrier qu’il lui a choisi. Mais de sombres nuages planent déjà dans ce beau ciel: les tensions entre Mado et Marie s’apparentent à une guerre larvée qui n’attend que la première occasion pour tout emporter sur son passage. Car Mado, la sœur de Skandar, n’en finit pas de ruminer l’amertume de son échec amoureux et reporte son aigreur sur sa belle-sœur alors que celle-ci n’a jamais oublié Badi’ Jbeili, son premier amour, qu’elle n’a pu rejoindre en Égypte. Par ailleurs, la succession du père n’est pas assurée: Noula, l’aîné des enfants, est un coureur invétéré, frivole, dépensier et inconscient, qui n’a aucun sens des affaires et dont les décisions professionnelles sont catastrophiques...

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