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  • La « sécularisation »:Un serpent de mer théologico-politique
  • Bernard Bourdin (bio)

Dans Le religieux et le politique dans la Révolution française. L’idée de régénération1, ouvrage consacré au rapport du religieux chrétien (et notamment catholique) et du politique dans le contexte de la Révolution française, Lucien Jaume développe une thèse qui en réalité va bien au-delà de la seule Révolution française. L’événement révolutionnaire est le point d’ancrage d’un problème français que l’on pourrait faire remonter à l’Ancien Régime2, celui du gallicanisme tant dans sa polarité religieuse que politique, et qui trouve ses prolongements contemporains dans la République laïque et la tentative de la réactiver, comme en témoignent deux ouvrages de Vincent Peillon3. Des concepts clés permettent de vérifier la thèse qui nous est proposée: le plus important d’entre eux est, bien évidemment, celui de régénération, qui figure dans le sous-titre du livre. Mais l’on ne saurait faire l’impasse sur d’autres notions ou concepts qui président à celui de « régénération »; nous pensons en particulier à ceux de primitivisme de « nature » (droit naturel), d’égalité, d’histoire naturelle et de médiateur dans la pensée de Marx. Mais cette thèse en appelle une autre, à savoir de renoncer à toute problématique théologico-politique, en l’occurrence à une substitution du religieux par le politique (ou encore à l’ingérence du politique dans le religieux) et par l’histoire. Cohérent avec l’ensemble de ses travaux, c’est la position libérale de la séparation que l’auteur défend. Nous ne nous arrêterons pas sur chacune des thématiques traitées avec la précision et la rigueur de l’historien des idées et du [End Page 159] philosophe qu’est Lucien Jaume. Il nous a paru plus important de proposer, à partir du thème de la régénération, un modèle historiographique d’analyse de la sécularisation. Il convient aussi de préciser que cet article étant d’abord une communication donnée à l’occasion de la parution de l’ouvrage de Lucien Jaume, lors d’une rencontre du CEVIPOF, nous conserverons la brièveté de notre propos tenu en cette circonstance. Quatre moments (dont les trois premiers seront qualifiés de « primitivistes4») dans l’histoire des idées nous paraissent éclairer et situer la thèse de la régénération dans la Révolution française: celui de la révolution théologique des Réformes, celui de la révolution philosophico-politique du XVIIe siècle, celui, politique, de la Révolution française et enfin celui de la révolution marxiste. A la suite de ces quatre moments, nous interrogerons le modèle de sécularisation (bien que l’auteur valorise peu cette notion) qui sous-tend5 le livre de Lucien Jaume, modèle lié à l’histoire politico-religieuse française. De plus, ce modèle ne saurait être séparé plus globalement de son rapport, au moins sous-jacent, avec la structure théologico-politique chrétienne de l’histoire. Venons-en pour commencer à la source des révolutions modernes, celle théologique du XVIe siècle. Elle nous place au cœur des mutations du concept de nature et du « problème » théologico-politique chrétien, dont le foyer organisateur est celui de la médiation ecclésiale.

I - La revolution theologique du XVIe siecle: le premier moment du primitivisme par l’appel a la Reforme

Dans « Réformes », il y a au début du XVIe siècle l’idée qu’il faut revenir à la source de l’Evangile. Réformer revient dès lors à « régénérer », même si le terme n’apparaît pas à notre connaissance. En revanche, il y a bien l’idée de réformer les corruptions de l’Eglise romaine6. Le temps est corrupteur de la fidélité à la...

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