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  • Semé sans compter : Appréhension de l’environnement et statut de l’économie en pays totonaque (Sierra de Puebla, Mexique), par Nicolas Ellison
  • Jorge Legoas P.
Ellison, Nicolas, Semé sans compter : Appréhension de l’environnement et statut de l’économie en pays totona- que (Sierra de Puebla, Mexique), Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2013, 453 pages.

Après de longues années de recherches doctorales et postdoctorales, Nicolas Ellison publie un ouvrage riche et ambitieux sur le complexe agroforestier totonaque, qu’il analyse à la lumière de l’anthropologie sociale, de l’histoire et de la socio-économie du développement. L’ouvrage cherche à transcender les divisions entre des champs épistémiques généralement étanches lorsqu’il fait fi des frontières, déjà assez floues, entre économie, société, et environnement. Il montre ainsi que l’économie des communautés totonaques est subordonnée à des normes sociales qui régissent le rapport idéel et matériel à l’environnement, et ce, bien que les conditions d’autonomisation du champ économique soient présentes.

L’étude a été réalisée par le biais d’enquêtes statistiques, et du recueil de données ethnographiques dans le municipe de Huehuetla (Puebla, Mexique), une région où l’économie des communautés rurales n’est plus centrée sur l’agriculture de subsistance. Ces communautés sont plutôt fortement liées au marché national et international (notamment à travers la production de café) et aux centres urbains. Connectées tardivement au réseau routier national, elles comprennent une majorité totonaque (85%) qui pratique une agroforesterie centrée sur la culture du café commercial et du maïs de subsistance, et une minorité métisse (15%) qui pratique l’élevage extensif du bovin.

La première partie de l’ouvrage comporte une analyse historique de la façon dont le rapport des communautés totonaques à leur environnement a progressivement été marqué par la colonisation espagnole, les jeux de pouvoir préet postrévolutionnaires, ainsi que l’insertion de la région dans l’économie de marché globale. Le contrôle individuel ou collectif de la terre, l’intensité de l’utilisation de cette dernière et l’occupation et la déforestation des régions boisées sont autant d’éléments qui ont varié tout au long de ces étapes, au rythme des politiques de développement capitaliste de l’État, des alliances entre factions politiques nationales et régionales, ainsi que de l’encouragement de l’église catholique au renouveau de la culture autochtone. Ellison, bien qu’il identifie une augmentation significative de la densité populationnelle dans la région, ne se borne pas à expliquer les variations mentionnées par une pression démographique, à la différence de Boserup (1965).

La deuxième partie de l’ouvrage montre comment des principes cosmologiques encodent les pratiques agricoles et le traitement de la forêt. Ces principes sont exprimés à travers des récits, des danses et des présentations d’offrandes que l’auteur identifie comme des témoins d’un renouveau identitaire dans la région. Le plus important des principes cosmologiques est celui qui permet de distinguer des entités vivantes comme étant chaudes ou froides. Par exemple, les terres des métis, dénudées de leur couverture arborescente pour y élever du bétail, sont considérées chaudes, alors que les terrains boisés des Totonaques, qui se trouvent à l’ombre des caféiers et d’autres espèces d’arbres, sont considérés comme froids. Ellison note toutefois une très forte influence catholique dans les récits mythiques et les pratiques ritualisées qui constituent le cadre de manifestation des principes cosmologiques lorsque le dieu chrétien y devient une figure centrale. Ce sont les célébrations aux saints et à Jésus-Christ, par exemple, qui ouvrent et ferment les différentes étapes des cycles de production agricole. Suivant la même logique, on trouve que le calendrier chrétien est la base de l’interprétation des anciennes divinités locales et du calendrier agricole lui-même.

La troisième partie...

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