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  • Lenglet-Dufresnoy: Écrits inédits sur le roman éd by Jan Herman et Jacques Cormier
  • Claudine Poulouin (bio)
Lenglet-Dufresnoy: Écrits inédits sur le roman, éd. Jan Herman et Jacques Cormier Oxford: Voltaire Foundation, 2014. xii+ 308pp. £65;€80;$110. ISBN 978-0-7294-1139-4.

Dans ce volume de 314 pages, Jan Herman et Jacques Cormier présentent la première édition intégrale, avec variantes et notes, de deux manuscrits autographes de Lenglet-Dufresnoy acquis en 2005 par le Centre de recherche sur le roman du xviiie siècle de Leuven. Le premier, De l’utilité des romans, seconde partie, est un texte suivi dont les chapitres, numérotés de VIII à XVII constituent vraisemblablement la suite inédite de De l’usage des romans publié sous le nom de Gordon de Percel et dont le titre primitif était sans doute De l’utilité des romans. Le second porte le titre Observations critique de M. le C. Gordon de Percel sur son livre ‘De l’usage des romans’, à Soleure, MDCCXXXIV. Ce second ensemble, visiblement destiné à la publication, est introduit par un Avis du Libraire suivi de dix courts propos dont les deux premiers montrent que Lenglet-Dufresnoy avait envisagé de répondre lui-même, dans ce troisième volet où il reprend son pseudonyme, à la polémique qu’il avait engagée en publiant De l’usage des romans (1734) qui se présente comme une défense du roman, puis, sous son propre nom, L’Histoire justifiée contre les romans (1735). La date de 1734, sur la page de titre manuscrite, suggère en outre que Lenglet-Dufresnoy alias Gordon de Percel travaillait à cette réfutation dès avant L’Histoire justifiée. Ajoutons que le chapitre 9 du premier manuscrit, évoquant Mlle de La Force morte en 1724 comme encore vivante, révèle que l’ensemble du texte sur l’utilité du roman, écrit dès 1724—l’ouvrage fut donc commencé à la Bastille, sans documentation—s’est trouvé remanié en 1734. L’édition, rigoureuse et soigneuse, de ces deux ensembles est précédée d’une introduction de 188 pages qui s’attache à éclairer les choix de Lenglet-Dufresnoy en les situant au sein des débats théoriques engagés dès le xviie siècle sur la légitimité des romans dans le cadre d’une République des Lettres alors soumise à la pression, de plus en plus forte, d’un public avide de romans élargi aux femmes et aux jeunes gens.

Dans les années 1734–35, Lenglet-Dufresnoy, dont on connaît la liberté critique et les audaces, participe activement et de façon originale à la polémique qui s’est élevée autour du roman (encore que, d’une façon générale, on ne parlât que des romans, le genre n’étant encore qu’implicitement reconnu). Le débat est alors d’autant plus sensible que les rédacteurs des Mémoires de Trévoux, inquiets du succès d’un genre qui favorise la réflexion personnelle et la jouissance privée, mais soucieux de garder leur audience, sont amenés à nuancer leur mode de [End Page 398] combat. Les jésuites sont, dans ce contexte, les adversaires privilégiés de Lenglet-Dufresnoy qui entend éviter les critiques inutiles et toucher un publique capable de percevoir les véritables enjeux d’un propos sous ce que les éditeurs du volume décrivent très justement comme un « discours oblique ».

Audacieuse, dynamique et se reconfigurant sans cesse, la pensée de Lenglet-Dufresnoy ne saurait être saisie que dans l’interaction de ses travaux d’historien, de critique, de romancier et d’éditeur avec des écrits tels que le Traité sur l’origine des romans de P.-D. Huet, De l’usage de l’Histoire de Saint-Réal, mais aussi la Bibliothèque française et De la connaissance des bons livres de Sorel dont Lenglet-Dufresnoy ne dit mot mais dont sa typologie des romans atteste qu’il les a lus de près. Huet avait tenté de doter le roman d’une poétique...

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