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Reviewed by:
  • Béranger. Des chansons pour un peuple citoyen par Sophie-Anne Leterrier
  • Philippe Darriulat
Sophie-Anne LETERRIER. – Béranger. Des chansons pour un peuple citoyen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013. 346 pages + 1 CD de 18 chansons.

L’originalité et la force de ce travail de Sophie-Anne Leterrier, professeure à l’université d’Artois, résident dans le fait qu’il focalise l’étude sur une analyse des chansons de Béranger, considérées comme un objet culturel dont il convient d’étudier tous les aspects : les paroles comme la musique, la réception comme la diffusion, l’illustration comme la mémoire. En ce sens, il propose une approche relativement nouvelle de cet auteur qui fut autant porté aux nues de son vivant que critiqué très rapidement après sa mort – par Vallès ou Flaubert notamment – et oublié ensuite. Ce livre a donc une vraie originalité, tant par rapport à la célèbre thèse de Jean Touchard (La Gloire de Béranger, 1968) qui s’intéressait aux couplets et à la place occupée par leur auteur dans la vie intellectuelle de son temps, qu’en regard des divers travaux publiés ces dernières années sur la chanson, qui isolent plus volontiers les seuls textes et analysent les sociabilités chansonnières pour les intégrer dans des problématiques plus générales, liées à l’histoire des processus de politisation ou des pratiques culturelles. Pour le dire comme Sophie-Anne Leterrier : « ce livre s’adresse donc davantage aux curieux d’histoire de la chanson qu’aux lecteurs férus d’histoire intellectuelle du XIXe siècle » (p. 10). Une démarche qui s’inscrit dans la continuité des travaux antérieurs de cette chercheuse qui accorde un intérêt particulier à l’histoire culturelle de la musique et de ses pratiques (Le Mélomane et l’historien, Armand Colin, 2005). Le CD de dix-huit chansons mis en annexe de ce livre doit donc être considéré comme partie intégrante de ce travail de recherche. Il permet en effet de faire revivre un certain nombre de chansons, à partir d’un travail réalisé par des musiciens professionnels – un accordéoniste, un vielliste et un auteur-compositeur – mais chantées par une interprète amateure ; et de découvrir ainsi un « objet sonore » parfois déroutant pour l’auditeur contemporain. Notons cependant que cette orientation générale, tend aussi à situer ce travail en marge des débats historiographiques les plus récents, autour des usages populaires de la culture en particulier.

La problématique de départ est donc de proposer un ouvrage d’histoire culturelle, portant sur les compositions du premier chansonnier ayant rencontré un très important succès, plusieurs décennies avant l’apparition de ce qu’il est convenu d’appeler la « culture de masse » – succès dont nous trouvons des témoignages dans toutes les catégories sociales et sur l’ensemble du territoire national.

La première partie, intitulée « Rénover la chanson », s’intéresse au contexte chansonnier dans lequel s’inscrit Béranger, en montrant comment ce dernier a renouvelé un genre, unanimement considéré comme mineur, en répondant aux attentes de publics divers, tant d’un point de vue social que culturel. En sachant transgresser les différents genres de chansons, ou plutôt en faisant des emprunts à des genres très différents, il fait porter à ses couplets des valeurs démocratiques et nationales et facilite l’identification de ses auditeurs. À la fois « lyrique et national », il répond autant aux attentes du public libéral de la Restauration qu’à celles des nombreux amateurs de refrains de la rue, en exprimant ce que Sophie-Anne Leterrier appelle le « sentiment populaire » (p. 46). Il semble que la construction des mélodies de Béranger soit moins spécifique que la rédaction de ses textes : les airs originaux sont rares – ses compétences dans le domaine sont limitées – et se différencient peu de ceux de ses contemporains. Paradoxalement, c’est dans l’usage de timbres déjà largement diffusés, par le biais...

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