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Reviewed by:
  • Dreams, Dreamers, and Visions: The Early Modern Atlantic World ed. by Ann Marie Plane et Leslie Tuttle
  • Jorge Flores
    Translated by Antoine Heudre
Ann Marie Plane et Leslie Tuttle (éd.) Dreams, Dreamers, and Visions: The Early Modern Atlantic World Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2013, xiv-316 p.

La réflexion sur les rêves et leurs significations traverse les cultures et les époques. Ainsi, dans le monde occidental, l’Oneirokritica d’Artémidore d’Éphèse (iie siècle) et L’interprétation des rêves de Sigmund Freud (1899) font figure de références incontournables dès qu’il s’agit de dresser un panorama des idées des deux premiers millénaires de notre ère, tandis que dans d’autres civilisations, on trouve des références à d’autres auteurs, textes et contextes. Le début de l’ère moderne est particulièrement riche du point de vue d’une histoire interculturelle des rêves puisque cette période correspond à des contacts intenses et à des connexions multiples entre les quatre parties du monde. Dreams, Dreamers, and Visions apporte matière à réflexion et permet d’éclaircir des expériences oniriques complexes qui eurent lieu de part et d’autre de l’océan Atlantique durant une période qui s’étend grosso modo de 1450 à 1800. Ces expériences ont façonné, et ont été façonnées par, les sociétés européennes, aussi bien que non européennes, ce qui nous vaut d’observer les rêves, leurs protagonistes et leurs réceptions du point de vue de plusieurs religions et mouvements religieux.

Ce volume collectif compte onze chapitres rédigés en majorité par des universitaires nordaméricains, outre l’introduction des éditrices et un prologue d’Anthony Wallace. Divisé en [End Page 775] trois parties, l’ouvrage conduit le lecteur d’Europe jusqu’à l’Amérique précoloniale et coloniale puis, après un bond dans le temps, à l’âge des révolutions pour découvrir des visions et des rêves européens et américains (et euro-américains) particulièrement éloquents.

La première partie s’ouvre sur un exercice réussi d’histoire intellectuelle de Mary Baine Campbell sur le déplacement de « l’attention européenne portée aux rêves depuis l’intérieur des villages et des châteaux européens vers les communautés semi-nomades des forêts de l’Est de l’Amérique du Nord » (p. 47). Mais ce que l’on en retient surtout est l’analyse de la fonction politique et de la portée sociale des rêves et des visions, qu’il s’agisse des prophéties de la célèbre Lucrecia de León aux premiers temps de l’Union ibérique, du très populaire Viatge d’en Pere Porter a l’infern publié en 1608 et de sa critique acérée de la vie publique et des grandes figures de la Catalogne, ou bien du messianisme d’António Vieira, qui voit dans le Portugal le cinquième empire du monde. L’essai de Matthew Dennis sur le prophète Handsome Lake et les nombreux défis que les Américains – Indiens et colonisateurs confondus – durent affronter au tournant du xixe siècle complète d’une certaine manière ce tableau.

La deuxième partie constitue le corps principal de l’ouvrage, pour ne pas dire sa raison d’être. Quel genre de rêves les Européens rencontrèrent-ils de l’autre côté de l’océan Atlantique? Les rêves et leurs significations et interprétations respectives avaient-ils quelque chose de comparable dans les sociétés des deux côtés de l’Atlantique? Comment les rêves et les visions furent-ils appropriés, entremêlés et « modifiés » par les protagonistes de la « rencontre interculturelle »? Voici quelques-unes des questions centrales que posent en filigrane les quatre excellents articles de cette partie consacrée à l’Amérique hispanique et française du xviie siècle.

Les rêves et leurs analyses, est-il besoin de le...

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