In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Orientalism in Louis XIV’s France by Nicholas Dew
  • Sylvette Larzul
Nicholas Dew Orientalism in Louis XIV’s France Oxford, Oxford University Press, 2009, xv-301 p.

L’intérêt pour l’orientalisme a longtemps été limité surtout à la période coloniale des xixe et xxe siècles et à la question du rapport à l’impérialisme. S’il déborde aujourd’hui son cadre initial, c’est pour se porter vers l’époque moderne, durant laquelle les ambitions impériales n’étaient nullement tournées vers l’Orient. C’est dans ce courant que se situe l’ouvrage de Nicholas Dew qui traite d’un pan de l’orientalisme souvent tenu pour négligeable ou, au mieux, saisi à travers le parti qu’en tirèrent les écrivains des Lumières : l’orientalisme du Grand Siècle. Le propos de l’auteur n’est nullement de revenir sur l’exploitation qui en fut faite au xviiie siècle1 ; il porte sur la production du savoir orientaliste dans le cadre de la République des Lettres, à l’époque de la révolution scientifique et du début des Lumières. Fruit d’une longue élaboration et issu pour partie de publications antérieures, le livre est centré sur l’étude d’auteurs dont les travaux, largement diffusés, fournissent une représentation pour l’essentiel historique et géographique d’un Orient incluant l’empire ottoman, l’Inde et la Chine. Des chapitres distincts sont ainsi consacrés à Barthélemy d’Herbelot et sa Bibliothèque orientale (1697), à Melchisédech Thévenot et ses Relations de divers voyages curieux (1663-1672), à François Bernier et ses mémoires sur l’empire du Grand Mogol (1670-1671) et au Confucius Sinarum Philosophus (1687) des jésuites de la mission de Chine.

Soucieux de ne pas appréhender son objet de manière anachronique à partir des constructions du xixe siècle, N. Dew adopte une approche fondée sur les sources contemporaines que constituent les éloges et la correspondance, qu’il manie avec circonspection en tenant compte des conventions génériques. Il propose donc une représentation précise du fonctionnement de l’orientalisme, nullement constitué alors en discipline autonome, dans le cadre de la République des Lettres, et une description fouillée des réseaux liant les orientalistes parisiens et leurs pairs hollandais, allemands ou anglais. D’autres aspects de l’orientalisme « d’avant les Lumières » et « d’avant les empires », que l’auteur nomme « Baroque Orientalism » – par défaut, dit-il–, sont également traités. Ainsi est largement abordée la question des lieux de l’orientalisme et des tensions produites en leur sein au cours d’une période où académies privées et patronage des grands perdurent face aux institutions étatiques naissantes. Remettant en cause la version traditionnelle du retour d’Italie d’Herbelot à la fin des années 1660, sur ordre de Jean-Baptiste Colbert, N. Dew suggère que l’orientaliste préféra à une nomination dans une académie encore dans les limbes (l’Académie des inscriptions et belles-lettres n’est organisée qu’en 1701) la très gratifiante protection des Médicis dont il jouissait alors à Florence (mais qui faiblit peu après). L’auteur montre aussi que l’intérêt savant pour l’Orient des mauristes de Saint-Germain-des-Prés que fréquente Herbelot est partagé par d’autres milieux, comme celui des curieux auquel appartient Thévenot ou celui des libertins érudits auxquels se rattache Bernier, proche de Pierre Gassendi.

L’étude met par ailleurs en relief les fragilités d’une production qui exige des collaborations, des compétences et des financements qui sont loin d’être toujours réunis. L’auteur souligne les limites de la coopération entre savants dans la République des Lettres en mettant notamment en exergue les longs efforts vainement déployés par Gottfried Wilhelm Leibniz pour se procurer un texte arabe mentionnant une « stèle nestorienne » découverte en Chine. La publication des travaux orientalistes se heurte également à des difficultés considérables, comme l’atteste l...

pdf

Share