- Autobiographies souveraines ed. by Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt
Actes d’un colloque international organisé en 2008, cet ouvrage collectif rassemble quinze contributions autour du thème des « autobiographies souveraines ». Il se propose d’interroger, à travers des exemples variés de textes écrits ou dictés par des souverains, le sens, la forme et la portée de ces formes d’écriture autobiographiques dans différents contextes historiques. Ce livre prolonge la traduction et l’étude de la Vita de Charles IV de Bohême proposées par les deux directeurs de l’ouvrage1. C’est en partant de leurs propres interrogations et de leurs propres observations sur cette autobiographie que Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt ont invité les contributeurs de ce livre à étudier d’autres œuvres autobiographiques de souverains, qu’ils soient princes, rois, empereurs [End Page 762] ou papes, autour de quelques questions communes : le profil de l’auteur, les formes et le dispositif d’écriture, les visées de ces écrits et leurs destinataires.
Il convient de souligner la diversité des exemples envisagés, à la fois sur un plan géographique et temporel. Cette réflexion collective se fonde sur l’étude de textes datant de l’époque antique jusqu’au xviiie siècle, écrits en Occident mais aussi dans le monde musulman, arabe ou turc. S’y côtoient, entre autres, les Res gestae d’Auguste et les écrits de Julien l’Apostat, les écrits autobiographiques de Maximilien Ier et les Commentarii du pape Pie II, ainsi que le livre de Babur, fondateur de la dynastie moghole, les mémoires de l’empereur Jahāngīr, ou encore les écrits personnels de Catherine II. On notera aussi l’apport que constitue l’étude de textes méconnus, comme le Livre des faits du roi Jacques Ier d’Aragon ou la Petite Chronique rimée suédoise, jusqu’ici peu étudiés dans le monde académique.
Le souci d’historiciser la notion d’« autobiographie » parcourt l’ensemble de l’ouvrage. Les articles réunis dans ce volume se proposent d’interroger le sens de cette catégorie à différentes époques, en particulier l’Antiquité et le Moyen Âge, en partant d’exemples et de situations historiques diverses. L’un des grands intérêts de cet ouvrage touche à la force de sa problématique articulant étroitement les formes et la portée de l’écriture autobiographique, la question de l’individu et de la subjectivité, mais aussi celle de la souveraineté.
Le souci qu’ont les auteurs d’éviter toute approche anachronique de la notion d’autobiographie, ainsi que toute approche téléologique de cette thématique qui renverrait à l’idée d’une « naissance de l’individu », se traduit par une forte attention portée aux caractéristiques générales de ces textes. En premier lieu, se pose la question essentielle de la place réelle du souverain dans l’écriture de ces « autobiographies ». La plupart des articles s’interrogent en effet sur l’identité de l’auteur – bien souvent des auteurs – de ces textes, eu égard au rôle important des secrétaires et des conseillers des souverains dans la rédaction de ces ouvrages. Les contributeurs se penchent en second lieu sur les formes du discours sur soi – en particulier la fonction des pronoms utilisés (« je », « il » ou « nous ») – et sur la façon dont ces choix discursifs engagent l’auctoritas du souverain. Prenant la forme de patchworks, ces textes mêlent souvent différentes formes de discours, tels des dialogues ou des récits de rêves par exemple. Si les études de cet ouvrage mettent au jour un certain nombre de ressemblances entre ces écrits, elles montrent en même temps leur grande hétérogénéité formelle, qui empêche d’envisager les autobiographies souveraines comme un genre unifié possédant une histoire continue.
Sur le plan de leur contenu, ces autobiographies évoquent en général la vie et le parcours du souverain, ses hauts faits politiques...