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  • L’expérience par les sens dans la philosophie naturelle médiévale ed. by Thomas Bénatouïl et Isabelle Draelants
  • Béatrice Delaurenti
Thomas Bénatouïl et Isabelle Draelants (dir.) Expertus sum. L’expérience par les sens dans la philosophie naturelle médiévale Florence, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2011, viii-470 p.

Le concept d’expérience sensorielle est-il né avec la révolution scientifique des Temps modernes? Le Moyen Âge a-t-il négligé la voie expérimentale? Le but de cet ouvrage est de mettre en échec cette conception caricaturale selon laquelle l’expérience n’aurait aucune place dans la pensée scientifique médiévale. C’est aussi son mérite : il démontre que l’expérience sensible est prise en considération au Moyen Âge et que son importance n’est jamais niée par les auteurs, qu’ils soient médecins, philosophes, ou que leur activité intellectuelle relève d’une autre « science émergente » comme l’astrologie, l’alchimie ou l’optique (p. 3).

Parler d’expérience au Moyen Âge est une tâche compliquée. Les directeurs du volume en sont conscients et se défendent d’emblée de toute posture continuiste qui consisterait à chercher au Moyen Âge les antécédents de la science moderne. Ils mettent en lumière les obstacles et les risques d’une telle approche : plus encore que pour tout autre objet d’étude, la notion d’expérience implique que les textes soient lus pour ce qu’ils sont et que soient comprises en elles-mêmes les théories et les pratiques médiévales. En dépit de ces précautions, la problématique d’ensemble peine à éviter l’écueil du continuisme. Thomas Bénatouïl et Isabelle Draelants introduisent l’ouvrage en prenant pour référence la notion moderne d’expérience, ils proposent d’évaluer les usages médiévaux du concept par comparaison avec l’époque moderne, en fonction d’une définition « rétrospective et négative » de l’expérience (p. 6). Les aléas épistémologiques d’une telle définition sont soulignés ; elle n’en constitue pas moins une première étape dans le raisonnement.

De même, la réflexion historique prend comme point de départ le concept antique d’expérience, ce qui conduit à envisager la notion médiévale en termes d’héritage. Chaque partie de l’ouvrage débute par un article qui examine le lien entre savoir antique et savoir médiéval : la philosophie (Arnaud Zucker), l’alchimie (Cristina Viano) et la médecine (Julie Giovacchini) antiques sont abordées de cette manière. Ces contributions, par ailleurs fort intéressantes, ont un statut étrange, à michemin entre la réflexion philosophique sur la longue durée et la présentation vulgarisée de sources antiques à l’usage de non-spécialistes. La structure et la problématique de l’ouvrage soulignent ainsi combien nos façons de penser l’expérience sont conditionnées par l’acception moderne de ce concept, y compris quand il s’agit d’en faire l’histoire au Moyen Âge.

Dix-sept articles étudient le concept médiéval d’expérience, distribués en trois parties. [End Page 749] L’on peut noter à ce propos que le titre donné à l’ensemble est trompeur, puisque la philosophie naturelle n’est pas l’unique domaine abordé : seule la première partie lui est consacrée, ainsi qu’à l’encyclopédisme et à l’hagiographie. La deuxième partie concerne l’alchimie et la transmission de la science arabe en Occident, et la troisième porte sur la médecine. Par delà ces regroupements thématiques, les contributions mettent en œuvre trois approches historiques distinctes. Un premier groupe d’articles s’attache à décrire des sources peu connues dans lesquelles l’expérience par les sens est mise en pratique : un ouvrage perdu sur les propriétés médicales, diététiques et magiques des animaux, l’Experimentator, connu seulement par les allusions de Thomas de Cantimpré dans son De natura rerum (Baudouin...

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