Abstract

L’histoire de la philosophie qui s’établit comme discipline académique aux xviii e et xix e siècles narre l’histoire de la raison philosophique de l’Antiquité à son achèvement moderne. À l’âge qui s’est dit « moderne », cette historicisation de la raison procède d’une rationalisation de l’histoire de la philosophie, qui vise à légitimer la supériorité de la modernité européenne sur les autres cultures, notamment arabe, chinoise et africaine. À partir de 1780, les historiens de la philosophie et de la culture démarquent en effet la rationalité (indo-)européenne des cultures sémitiques. La raison européenne est caractérisée par une composante philosophique de nature « grecque » et par une culture chrétienne dont les racines sont découvertes durant le Moyen Âge. Dans cette construction, le Moyen Âge et les Arabes occupent des places centrales. Le Moyen Âge est en effet le lieu historiographique de l’acculturation chrétienne de la philosophie grecque. « Peuple sémitique », les Arabes se voient quant à eux dénier toute forme de rationalité scientifique ou philosophique, bien que la destinée de la philosophie grecque fût arabe avant d’être latine, au Moyen Âge précisément.

Abstract

The history of philosophy, established as an academic discipline in the eighteenth and nineteenth centuries, traces philosophical reason from its origins in antiquity to its consummation in modernity. Allying itself with the self-proclaimed “modern era,” this historicization of reason was based on a rationalization of the history of philosophy, aiming to legitimize the superiority of European modernity over other cultures, notably those of the Arab world, China, and Africa. From 1780 onwards, historians of philosophy and historians of culture distinguished (Indo-)European rationality from the “Semitic” cultures. European reason was defined by its “Greek” philosophical component and by a Christian culture with its roots in the Middle Ages. The Middle Ages and the Arab world occupied a central place in this construction. The medieval period represented the historiographical locus of the Christianization of Greek philosophy. On the other hand, as a “Semitic folk,” Arabic peoples were denied any kind of scientific or philosophical rationality, despite the fact that the heritage of Greek philosophy passed through the Arab world before it arrived in the Latin west—and this precisely during the Middle Ages.

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