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  • Le crédit à la consommation en France, 1947-1965. De la stigmatisation à la réglementation by Sabine Effosse
  • Alain Chatriot
Sabine Effosse Le crédit à la consommation en France, 1947-1965. De la stigmatisation à la réglementation Paris, Igpde/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014, xx-318 p. et 4 p. de pl.

L’histoire du crédit à la consommation s’inscrit dans la longue durée, mais celui-ci a connu, au cours du xxe siècle, d’importants changements liés à l’évolution, tout à la fois, des banques, du commerce, du comportement des consommateurs et des réglementations étatiques. Sabine Effosse présente, dans ce livre issu de son habilitation à diriger des recherches, un regard neuf sur le cas français à une époque précise: les vingt années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, «cette période de ‘préhistoire’ du crédit à la consommation» (p. 268). Elle complète ainsi son travail antérieur qui portait sur le crédit à l’immobilier et sur la politique du logement1. Cette étude repose sur les archives économiques et financières des institutions (le ministère des Finances, le Conseil national du crédit, la Banque de France) et sur celles des établissements prêteurs (principalement la Cetelem et la Sofinco), complétées par quelques papiers privés (Robert Buron, Wilfrid Baumgartner) et sources imprimées. Le livre est organisé en quatre parties qui décrivent, par leur titre, l’évolution de la place du crédit à la consommation: «Illégitimité et clandestinité (1947-1952)», «Réhabilitation et réglementation (1953-1957)», «Les nouveaux organismes de financement à la conquête du marché (1954-1965)» et «‘Tout à crédit? ’ L’expansion relative du crédit à la consommation en France (1954-1965)».

Dans la première moitié du xxe siècle en France, le marché du crédit à la consommation – les ventes à tempérament, pour reprendre l’expression de l’époque – reste limité et encadré. Il s’est développé pour les ventes à crédit d’automobiles. En 1947, la Banque de France lance une enquête et conclut, craignant l’inflation, au refus de réglementer les établissements finançant des biens de consommation. Or il existe depuis longtemps des unions économiques de commerçants qui connaissent un essor dans le contexte de l’après-guerre. L’initiative est reprise par des fabricants qui cherchent à encourager le crédit à la consommation afin de trouver des débouchés à leurs produits. C’est le cas de deux organisations patronales (la Fédération nationale de l’ameublement et le Syndicat général de la construction électrique) qui vont s’allier à des banques d’affaires (respectivement la Banque générale industrielle-La Hénin et l’Union française des banques). Ces groupes financiers sont à l’époque dirigés par deux anciens inspecteurs des Finances, Jack Francès et Jacques de Fouchier, qui connaissent parfaitement l’appareil d’État et parviennent alors à convaincre les autorités du crédit de lancer la Sofinco (1951) et la Cetelem (1953).

Le pouvoir politique change progressivement d’appréhension du crédit à la consommation et, malgré des débats parfois vifs, l’État décide de réglementer ce nouveau crédit – décret du 28 juillet 1954–, en particulier pour lutter contre des taux abusifs. Cependant, il renonce à plafonner les taux d’intérêt mais pose des conditions sur l’information du consommateur et fait le choix de concentrer le secteur au profit de quelques établissements financiers plus facilement contrôlables. Comme l’indique S. Effosse, «après avoir surmonté les réticences des autorités financières, les grands organismes de crédit doivent se battre sur un autre front, celui de la distribution» (p. 129). L’analyse est neuve en ce qu’elle propose un décryptage des pratiques de la Sofinco et de la Cetelem au cours des années 1950: leur priorité consiste alors à établir un réseau de «bons» vendeurs. Ceux-ci sont en effet formés à la fois pour mieux placer le crédit (ne parler que des mensualités...

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