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Reviewed by:
  • L’immeuble de rapport. L’immobilier entre gestion et spéculation, Lyon 1860-1990 by Loïc Bonneval et François Robert
  • Stéphane Frioux
Loïc Bonneval et François Robert L’immeuble de rapport. L’immobilier entre gestion et spéculation, Lyon 1860-1990 Rennes, Pur, 2013, 242 p.

L’objet de cet ouvrage est un type d’investissement et d’habitat de plus en plus discret dans nos agglomérations désormais truffées de résidences en copropriété et de lotissements pavillonnaires: il s’agit de l’immeuble de rapport, phénomène qui a connu son âge d’or au tournant des xixe et xxe siècles et a imprimé sa marque dans les centres-villes jusqu’au xxie siècle. L’analyse porte sur la ville de Lyon et, plus précisément, sur les archives d’un administrateur de biens dont le parc d’immeubles était situé en grande partie dans le centre historique. Au-delà de son aspect monographique, ce volume vient combler le peu d’études historiques sur ce type d’investissement immobilier dans les villes de l’ère contemporaine. L’histoire urbaine a plutôt privilégié récemment les politiques publiques de financement et de construction du logement social1. Peut-être suscitera-t-il d’autres travaux qui apporteront des compléments ou des points de comparaison.

L’angle principal de l’étude est une histoire économique de l’immeuble de rapport, qui s’intéresse aux grands problèmes du rendement de l’investissement, de la rentabilité à moyen ou long terme de ce type de propriété et du rapport entre ces données objectives et les stratégies des propriétaires («gestion» rentière ou «spéculation»). Pour cela, les auteurs ont travaillé, à l’occasion d’un programme financé par l’Anr, sur des archives privées couvrant la période 1890-1968. Ces registres de comptabilité d’un administrateur de bien lyonnais leur ont permis d’effectuer un suivi longitudinal, sur plusieurs générations, de plusieurs dizaines d’immeubles. Quelques séries d’archives publiques municipales et départementales (indices de prix, cadastre, conservation des hypothèques) complètent le corpus. Un certain nombre d’exemples cités dans le fil du développement sont également pris soit au milieu du xixe siècle, juste avant la grande transformation de la presqu’île lyonnaise, soit à la toute fin du xxe siècle. Cela valide les bornes chronologiques annoncées en introduction mais rend parfois la vue d’ensemble un peu plus complexe pour le lecteur. Cette saisie dans la durée, originale par rapport aux études généralement opérées par coupe transversale, permet d’interroger le rôle des motivations des propriétaires et le poids de la conjoncture [End Page 266] économique ou politique, en particulier de l’entre-deux-guerres, connu pour son inflation et sa crise, d’une part, et son régime spécial des loyers, d’autre part.

L’enquête invite à suivre les acteurs de ce marché du logement: propriétaires d’immeubles, locataires et, plus discret mais évoqué dans le premier chapitre, administrateur de biens. L’histoire de l’immeuble de rapport fait donc apparaître, comme l’écrit Jean-Luc Pinol dans sa préface, la «constellation des relations sociales» qui se tissent autour de lui. La recherche menée aboutit à une analyse fine et nuancée qui vient tantôt confirmer, tantôt contredire les observations des contemporains qui, dans le cas lyonnais, n’ont guère été suivies par la réalisation de travaux sur ces immeubles à vocation rentière. Elle souligne également la proposition d’une typologie des immeubles suivis, qui sont tous possédés par une frange très aisée ou relativement prospère de la population et destinés plutôt à un public de classes moyennes: le périmètre de l’enquête ne retient pas le Lyon ouvrier. Cette typologie en quatre catégories est constituée à partir du croisement de critères physiques (grand immeuble/petit immeuble) et historiques (immeuble haussmannien/immeuble ancien...

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