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Reviewed by:
  • The Merchants’ Capital: New Orleans and the Political Economy of the Nineteenth-Century South by Scott P. Marler
  • Manuel Covo
Scott P. Marler The Merchants’ Capital: New Orleans and the Political Economy of the Nineteenth-Century South New York, Cambridge University Press, 2013, xv-317 p.

Pourquoi La Nouvelle-Orléans, qui avait été la deuxième plus grande ville des États-Unis dans les années 1830, déclina-t-elle aussi brutalement au lendemain de la guerre de Sécession? Cette question donne lieu à l’investigation minutieuse de Scott Marler sur le rôle de la communauté marchande dans la chute de la métropole louisianaise. L’auteur se propose ainsi de rétablir de la contingence et rejette l’hypothèse d’un déclin inévitablement causé par l’abolition de l’esclavage. En déplaçant la focale de la plantation vers la ville, et de la production vers la distribution, il devient possible de mieux comprendre la responsabilité des acteurs néo-orléanais face à un contexte contraignant. Un tel sujet permet de réfléchir à l’histoire de la relation ville-campagne, à l’effet immédiat de la guerre et aux difficultés posées par la Reconstruction. Au fil des pages, la réflexion se révèle plus ambitieuse encore puisqu’il s’agit de problématiser la thèse de la transition du capitalisme marchand au capitalisme industriel afin de repenser «l’âge du capitalisme» dans une perspective non diffusionniste.

Pour comprendre le déclin de La Nouvelle-Orléans, il faut, selon S. Marler, porter un regard critique sur la période de sa splendeur. Dans la première partie, l’auteur rappelle d’abord l’héritage colonial particulier de La Nouvelle-Orléans: français, espagnol et dominguois. Le rôle des libres de couleur dans l’économie, le caractère cosmopolite de la population, l’influence du catholicisme constituent un arrière-plan qui éclaire les dynamiques sociopolitiques néo-orléanaises. S. Marler insiste surtout sur le clivage de la «classe marchande» entre «Créoles» et «Américains». Si l’auteur manifeste une légère tendance à surligner excessivement cette dualité, son propos a le mérite de mettre au jour les fondements socioculturels d’un groupe réuni par ses pratiques, mais souvent divisé dans ses intérêts. À ce titre, les assignations identitaires s’inscrivaient dans le jeu de la compétition économique: les négociants «créoles» furent ainsi la cible des «Américains», fort enclins à imputer la corruption de la municipalité aux influences «étrangères». Mais ce discours xénophobe reflétait aussi les liens puissants qu’entretenait La Nouvelle-Orléans avec le capitalisme européen, français en particulier. La trajectoire de la famille Musson-Degas (à laquelle appartient [End Page 261] le célèbre peintre) illustre parfaitement la place centrale de la capitale louisianaise dans l’«Atlantique français1».

S. Marler suggère que les fractures internes à la communauté marchande contribuèrent au retard accumulé par La Nouvelle-Orléans dans le domaine industriel. La puissance économique et financière de la ville reposait sur son rôle portuaire d’interface entre le Mississippi et le golfe du Mexique, qui lui permettait de contrôler le commerce du «roi coton». Or les négociants firent bien peu pour diversifier l’économie urbaine ou pour réinvestir dans le développement industriel les immenses profits tirés du système esclavagiste. Les efforts que déployèrent quelques entrepreneurs isolés afin de raccorder La Nouvelle-Orléans à la nation ferroviaire en gestation se heurtèrent à l’indifférence d’une classe satisfaite de l’économie cotonnière. La communauté marchande s’impliqua d’ailleurs peu dans les débats politiques du moment, malgré la menace que les pressions abolitionnistes représentaient pour ses intérêts. Pourtant, les négociants étaient plus vulnérables qu’ils ne le pensaient: en témoigne la place croissante des détaillants dans les campagnes, qui jouaient de plus en plus le rôle de créanciers vis-à-vis des planteurs et n’hésitaient pas à court-circuiter l...

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