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Reviewed by:
  • Africa in the World: Capitalism, Empire, Nation-State by Frederick Cooper
  • Denis Cogneau
Frederick Cooper Africa in the World: Capitalism, Empire, Nation-State Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2014, xii-130 p.

Comme rappelé dans la préface, cet ouvrage provient d’une série de trois conférences données en 2012 par Frederick Cooper à l’institut W. E. B. Du Bois de l’université Harvard. Le titre fait référence au livre The World and Africa que W. E. B. Du Bois, premier docteur afroaméricain de Harvard, historien, militant des droits civiques, panafricaniste et anticolonialiste, publia en 1946. Il y démontrait le rôle joué par les peuples noirs dans l’histoire du monde et soulignait leur vocation à quitter rapidement la domination coloniale. Dans son livre, F. Cooper interroge à nouveau le présent du continent africain, non plus à partir des espoirs suscités par la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais à partir des désillusions accumulées depuis l’ère des indépendances – concernant la sujétion des nations africaines dans le monde ou le difficile progrès des libertés et des droits au sein de ces nations.

F. Cooper invite à penser le devenir historique de «l’Afrique dans le monde» de façon moins dichotomique et moins déterministe. Il fournit ainsi de précieux antidotes intellectuels contre l’oscillation sempiternelle entre «afro-pessimisme» et «afro-optimisme», contre les caricatures d’une Afrique néocoloniale exclusivement exploitée ou d’une Afrique indéfiniment bloquée au stade tribal, et dès lors incapable d’adopter les «bonnes institutions» qui ont permis le développement économique ailleurs. F. Cooper cherche au contraire à penser correctement la relation de l’Afrique et des Africains au reste du monde, comme étant asymétrique, certes, mais non univoque, afin de sortir de l’alternative entre causes internes et causes externes et éviter de «proposer comme explications ce qu’il s’agit précisément d’expliquer». Centrer le regard sur cette relation implique de remettre en question «l’Afrique – ou le ‘Sénégal’ ou le ‘Ghana’» comme «unités d’analyse pertinentes» (p. 90).

Une assez longue introduction est consacrée au contexte historique et intellectuel dans lequel écrivait W. E. B. Du Bois. Trois chapitres traitent ensuite successivement de la place de l’Afrique dans l’évolution de l’économie mondiale et du capitalisme, des structures impériales africaines et de l’action des Africains au sein des empires coloniaux et, enfin, de la formation des États-nations au moment de la décolonisation. Les deux premiers proposent une grande fresque structurée de l’histoire [End Page 259] de l’Afrique sur le long terme, au niveau économique et politique.

Le premier chapitre reconstitue le chemin par lequel les États africains indépendants se sont formés comme des «portiers» (gatekeeper states), concept qui a depuis longtemps fait florès dans la littérature africaniste. Il s’agit, pour F. Cooper, d’une coproduction eurafricaine, ou afro-européenne. D’un côté, les spécificités de l’environnement africain, en particulier la faible densité des populations, ont déterminé des structures politiques vouées aux relations économiques avec l’extérieur – notamment la traite esclavagiste, faute de capacités internes de coercition et d’exploitation. D’un autre côté, les limitations intrinsèques des empires coloniaux européens les ont empêchés d’appliquer le programme de mise au travail capitaliste, en dehors de l’exception sud-africaine. Ces empires n’ont eu d’autres choix que d’appuyer le renforcement d’élites «extraverties1», prêtes à saisir de nouvelles opportunités commerciales (le cacao au Ghana puis en Côte d’Ivoire par exemple). Au moment des indépendances, ils ont concédé un gain de souveraineté politique en échange d’un abandon de responsabilité en matière de développement, celui-ci ne devenant plus qu’un enjeu national, l’«aide au développement» mise à part. Ce piège de la souveraineté formelle entretient l’illusion de l’autonomie de «nations» au sein d’un monde interconnecté où le combat est toujours aussi inégal...

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