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Reviewed by:
  • Les pensées monétaires dans l’histoire. L’Europe, 1517-1776 dir. by Jérôme Blanc et Ludovic Desmedt
  • Laurent Le Maux
Jérôme Blanc et Ludovic Desmedt (dir.) Les pensées monétaires dans l’histoire. L’Europe, 1517-1776 Paris, Classiques Garnier, 2014, 1057 p.

Cet ouvrage collectif rassemble plus d’une vingtaine de contributions sur les pensées monétaires en Europe, depuis les premiers écrits de Nicolas Copernic sur la monnaie jusqu’avant la publication de La richesse des nations d’Adam Smith. L’intention de l’ouvrage est de montrer que les écrits sur la monnaie s’enracinent tout à la fois «dans une réalité monétaire, une communauté intellectuelle et un environnement politique de dimension régionale» (p. 18). Le choix d’une équipe internationale est justifié par la volonté de lire les sources primaires dans leur langue originale et d’offrir un large état des lieux de la littérature secondaire. Les différents thèmes abordés – la circulation métallique, l’activité des banques, les contextes politiques et intellectuels, les espaces régionaux, nationaux et internationaux – effacent l’aspect cumulatif des pensées et des expériences présentées. À tous ces égards, l’ouvrage, sans équivalent en langue française, est conforme à ses ambitions.

Guidés par l’idée que l’histoire des pensées monétaires ne saurait ignorer les institutions dans lesquelles elles s’inscrivent, les premier et deuxième chapitres présentent une vue d’ensemble de l’histoire des faits et du mouvement des idées monétaires dans l’Europe moderne1. Le troisième chapitre rentre dans l’atelier des banques pour étudier l’évolution de leur fonction et l’acceptabilité de leurs émissions. Il met ainsi au jour un contexte intellectuel caractérisé par la prégnance de la pensée alchimique, les rivalités entre différents projets bancaires au sein de la City, le montage monétaire et financier sous la Régence, ainsi que le système de la Banque d’Amsterdam, qui épouse à la fois la dimension européenne et le cadre chronologique que propose l’ouvrage.

À la suite de ces trois chapitres transversaux, les six autres chapitres sont structurés autour des espaces dans lesquels se développent les idées monétaires, à savoir les bords de l’Atlantique, de la Grande-Bretagne au Portugal en passant par la France; la Méditerranée, de l’Italie à l’Espagne; le Septentrion, du Saint-Empire romain germanique à la Suède; enfin, l’Orient, de la Russie à l’empire ottoman.

Le lecteur navigue aisément entre ces neuf chapitres et y découvre plusieurs originalités. Tout d’abord, sur le plan de l’histoire des représentations, l’ouvrage déconstruit le concept de «mercantilisme» qui fut établi non pour rendre compte d’une pensée monétaire, mais pour imposer le paradigme reposant sur la notion de valeur. Le terme renvoie généralement à la proposition du chrysohédonisme (l’assimilation de la richesse aux métaux précieux) et à celle du bullionisme (la politique visant à dégager une balance commerciale excédentaire). Si les auteurs mineurs de l’époque se perdent dans la première proposition, les auteurs majeurs s’emparent de la seconde pour développer une réflexion sur la manière dont la monnaie s’insère entre le politique et l’économique, entre les sphères interne et externe des échanges. En réalité, l’ouvrage met en lumière la volonté de combiner un double objectif politique, la constitution d’une «bonne» monnaie et l’instauration d’une balance excédentaire, tant pour assurer le bon fonctionnement des échanges au niveau intérieur que pour asseoir une puissance économique au niveau extérieur. De telles considérations débordent d’ailleurs très largement l’époque moderne.

Si l’ouvrage propose une articulation entre les textes monétaires et le contexte historique de leur rédaction, plusieurs contributions révèlent différentes perspectives selon la forme et la place du «miroir» par rapport au temps de l’écriture2. En certains lieux et en certains...

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