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Reviewed by:
  • Objets sous contrainte. Circulation des richesses et valeur des choses au Moyen âge dir. by Laurent Feller et Ana Rodríguez
  • Matthieu Scherman
Laurent Feller et Ana Rodríguez (dir.) Objets sous contrainte. Circulation des richesses et valeur des choses au Moyen âge Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, 463 p.

Comment passe-t-on de l’examen des objets et des choses aux enjeux économiques et sociaux dans les sociétés médiévales? Voilà schématiquement posé le thème des articles de cet ouvrage collectif. Dix-huit articles traitent de «circulation des richesses et valeur des choses» et forment un ensemble cohérent, démontrant la fécondité du thème choisi. Le livre est un bon exemple du dialogue instauré entre des approches d’historiens de divers horizons et il met en lumière les différentes méthodes utilisées, allant de l’étude de cas aux relectures historiographiques ou encore à celles de sources, dont la variété et la quantité pour les époques anciennes sont mises en évidence par les contributions.

Dans l’introduction, Laurent Feller revient sur la genèse de la mise en place du programme scientifique portant sur la circulation des richesses au Moyen Âge. Il rappelle les problèmes posés par les précédentes recherches menées autour du thème du «marché de la terre» et la difficulté de s’entendre entre historiens de l’économie sur l’utilisation de la notion de marché avant le xviiie siècle. C’est pourquoi les promoteurs de la «circulation des richesses» ont choisi de prendre en considération tous les objets, y compris la monnaie entendue à la fois comme vecteur des échanges et objet à part entière. Ainsi, une espèce d’entredeux est finalement proposée entre des contributions utilisant la mesure, les chiffres et les estimations – comme celle de Nicholas Mayhew qui, dans la lignée des méthodes de l’école britannique sur la commercialisation de la société, tente une évaluation statistique de la richesse de l’Angleterre médiévale–, et surtout des contributions s’interrogeant sur les mécanismes et les modalités de circulation aux époques anciennes, notamment celles qui se déroulent en dehors des marchés. En effet, le thème offre de nombreuses possibilités d’analyse dans la mesure où les objets «pouvaient être mis en circulation au moyen de procédés très variés» (p. 423), comme le note Ana Rodríguez dans les conclusions.

La définition donnée aux objets est large: tous les biens sont pris en compte, à l’exception des maisons en milieu urbain, puisque sont intégrés les terres et les échanges qu’elles comportent, tandis que la distinction entre biens mobiliers et immobiliers n’est pas reprise. D’ailleurs, les biens mobiliers pouvaient parfois se transformer en biens immobiliers, notamment les biens interdits ou ceux dont la circulation est limitée par les souverains, comme le démontrent les articles de Gil Bartholeyns sur la surveillance des objets de la maison du roi de France et de Fernando Arias Guillén sur la législation visant à prohiber la circulation des chevaux en Castille.

Certains articles sont l’occasion, à travers l’étude de la circulation des biens et des produits, de présenter un tour d’horizon critique de l’historiographie. C’est le cas de la stimulante étude sur les échanges en Europe occidentale d’Eduardo Manzano qui interroge de nouveau la thèse d’Henri Pirenne et ses critiques, proposant une autre configuration du commerce à l’intérieur du bassin méditerranéen. De même, les articles d’Alexis Wilkin et de Rodolphe Keller, à travers des réflexions sur le pillage et les pratiques prédatrices, évaluent leurs conséquences sur la plus ou moins grande circulation des richesses dans les sociétés du haut Moyen Âge.

La péninsule Ibérique est au centre de plusieurs contributions. Ce territoire, divisé entre deux civilisations, constitue un excellent observatoire de la circulation des richesses. Comme l’indique E. Manzano, l’Andalousie au xe siècle est «l’une des régions...

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