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Reviewed by:
  • Historia cultural del dolor by Javier Moscoso
  • Frédérique Langue
Javier Moscoso Historia cultural del dolor Madrid, Taurus, 2011, 383 p.

Spécialiste reconnu d’histoire des sciences de la vie, décryptant signes et singularités à l’aube des temps modernes, ou encore revisitant l’histoire de la douleur en Occident sur le long terme, Javier Moscoso a choisi de livrer dans son dernier ouvrage une réflexion d’inspiration pluridisciplinaire dans laquelle la philosophie des sciences, combinée à l’histoire des émotions, se constitue en axe de réflexion. Praticien chevronné des « transferts culturels » qu’il n’hésite pas à considérer par le biais d’une histoire visuelle mise en scène lors d’expositions ouvertes au grand public – ainsi en 2004 au Science Museum de Londres–, J. Moscoso aborde un phénomène complexe, de l’ordre de la sensation et de l’émotion tout à la fois, dont la caractéristique première réside paradoxalement dans l’absence de justification. Bien que douleur et souffrance relèvent du domaine des émotions, leur histoire ne renvoie pas seulement à l’histoire des passions ou à l’histoire des sciences, mais également à une histoire de l’expérience dans l’ordre individuel ou collectif, expression d’une conscience moderne de l’Occident qui s’affranchirait désormais de la dichotomie entre le corps et l’âme.

Le caractère subjectif de la douleur renvoie certes à la différenciation entre signe et symptôme. Dans les manuels de propédeutique ou de sémiologie clinique, la douleur a, en effet, valeur de symptôme, et renvoie à des lésions ou pathologies diverses que les académies de médecine et autres sociétés scientifiques du xixe siècle constituent en objet d’étude, aussi bien en France qu’en Angleterre. L’histoire culturelle, s’opposant en cela aux postulats de la médecine clinique et privilégiant l’articulation sociale de l’expérience, a cherché dans [End Page 528] l’histoire de la douleur ce que J. Moscoso considère comme « le triomphe d’un nouveau mode de gestion de la souffrance et de la mort ».

Cette « histoire intérieure », mise en avant par l’auteur comme une nouvelle manière de faire de l’histoire, présente toutefois des antécédents qui doivent beaucoup à la phénoménologie de l’expérience de l’idéalisme hégélien ou encore à la revendication des passions présente dans la généalogie nietzschéenne. Les Vierges martyres, les guerres de religion, la douleur du Christ, les mésaventures du Quichotte comme expression des tensions entre douleur physique et souffrance morale, les pénitences infligées à l’ombre des couvents et les usages religieux de la douleur, les souffrances de l’accouchement, l’ascétisme religieux et ses flagellations ou les comédies du masochisme sexuel, les représentations édifiantes de l’enfer, le théâtre anatomique de la cruauté et de la violence du monde moderne, le réalisme littéraire, les drames de l’inconscience ou encore la douleur des patients ou des malades atteints de désordres mentaux convergent dans cet ouvrage, qui s’inscrit à l’encontre de l’affirmation d’Emil Cioran, pour qui le dialogue avec la douleur, à tout le moins physique, relevait de l’impossible.

Mettant en exergue l’expérience de la douleur, sa matérialisation comme son objectivation, cette histoire de la douleur est également un essai d’épistémologie historique. L’invocation de l’Iliade (« Chante, ô Muse, la colère d’Achille ») est posée en introduction, soulignant la nécessité, pour écrire cette histoire singulière, de connaître passions et émotions – impératif dûment rappelé par Lucien Febvre, d’après qui toute émotion, si « irrationnelle » soit-elle, guide décisions individuelles et actions collectives–, de les nommer et de les conceptualiser : la souffrance, la peur et l’incertitude ne seraient-elles dès lors que des manières parmi d’autres d’exprimer la douleur?

En tant que drame, la douleur mobilise à cet égard tous les éléments de la représentation théâtrale. La perception en varie selon le...

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