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  • La mémoire aux enchères. L’idéologie afrocentriste à l’assaut de l’histoire by François-Xavier Fauvelle-Aymar
  • Sarah Fila-Bakabadio
François-Xavier Fauvelle-Aymar La mémoire aux enchères. L’idéologie afrocentriste à l’assaut de l’histoire Lagrasse, Verdier, 2009, 81 p.

Quarante ans après son apparition, l’afrocentrisme continue de faire débat, du moins en Europe. Cette notion est apparue au début des années 1980 aux États-Unis, lorsque des historiens afro-américains désireux de repenser l’histoire mondiale d’un point de vue dit « africain » ont investi les études africaines et afro-américaines. Les discussions, souvent tendues, qui ont émaillé l’histoire de cette notion aux États-Unis, se sont ensuite répliquées en Europe, et particulièrement en France, terre d’africanisme. [End Page 523]

Dans son ouvrage, l’auteur propose de dresser un bilan à la fois du phénomène et de sa réception dans le milieu universitaire français. Il poursuit ici l’analyse qu’il avait conduite dans l’introduction d’Afrocentrismes1. Le ton parfois acerbe de son propos fait écho à cette précédente publication et aux réponses qui lui avaient été faites par les rares défenseurs de cette tendance en France2.

Le livre rassemble trois articles, publiés entre 1998 et 2002, dans lesquels François-Xavier Fauvelle-Aymar tente de définir les origines, les formes et les objectifs de l’afrocentrisme. Chaque article évoque un aspect jugé caractéristique d’une démarche historienne afrocentriste : la lutte contre l’eurocentrisme, la volonté de constituer un monde noir que l’auteur nomme « nation noire », où des solidarités se créent grâce à l’apparition de médias comme internet, et la compétition des mémoires juives et noires. F.-X. Fauvelle-Aymar montre avec justesse l’importance de l’invention et du bricolage, à des fins affichées de réafricanisation, des peuples afro-descendants. Dans le dernier article, il décrit l’un des arguments des tenants afrocentristes les plus radicaux : le rôle supposé des juifs dans l’esclavage transatlantique. Cette thèse, avancée par les afrocentristes mélanistes, a grandement contribué à ostraciser durablement ces courants historiographiques, en France comme ailleurs dans le monde.

L’auteur aborde ces différents thèmes à partir de la France en effectuant des allersretours en Afrique et aux États-Unis, berceaux des afrocentrismes universitaires contemporains. À travers des références à des auteurs américains (W. E. B. Du Bois, Martin Bernal) ou africains (Cheikh Anta Diop), il esquisse une généalogie idéelle et explique l’afrocentrisme comme une quête d’identité collective et une revanche sur l’Occident, qui pousseraient les jeunes Africains (parmi d’autres Noirs) à considérer ces thèses comme « des faits établis que seuls des ‘révisionnistes’ (généralement blancs) cherchent encore à remettre en cause » (p. 21). Il dépeint l’afrocentrisme comme une « mouvance » (p. 26) défendant la thèse du complot dégradant les Noirs dans une compétition pour la première place dans l’histoire mondiale.

Cela fait le lien avec les guerres de mémoire, évoquées, dès l’introduction, comme la passerelle entre les interprétations afrocentristes américaines, africaines et européennes. L’afrocentrisme y est un outil de réappropriation, voire de « réparation », de l’histoire. Sous la plume des rares auteurs afrocentristes cités (Molefi Asante, Runoko Rashidi, Ivan Van Sertima), il sert effectivement à recomposer le passé pour réinventer le présent des peuples noirs du monde. Il reste que la démarche de ces trois auteurs, comme celle d’un Leonard Jeffries, convaincu que les juifs ont exploité les peuples noirs, n’est pas la même et ne participe pas d’un « courant ». Leurs usages du terme « afrocentrisme » ne recouvrent ni les mêmes pratiques scientifiques ou pseudo-scientifiques ni les mêmes objectifs.

Enfin, l’ouvrage, dépourvu de conclusion, utilise Cheikh Anta Diop, figure tutélaire des afrocentrismes de tous les continents, comme le lien entre les acceptions africaines, américaines et européennes...

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