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Reviewed by:
  • François Furet. Les chemins de la mélancolie by Christophe Prochasson
  • Samuel Moyn
Christophe Prochasson François Furet. Les chemins de la mélancolie Paris, Stock, 2013, 558 p.

Bien que cet ouvrage soit publié dans une collection de biographies, l’étude que Christophe Prochasson consacre à François Furet n’en est pas une à proprement parler. L’auteur a en effet choisi de décrire l’itinéraire intellectuel de l’historien en travaillant principalement à partir des textes qu’il a publiés, des plus connus aux plus confidentiels, tout en utilisant le fonds – précieux mais limité – de ses archives de travail. Il puise également de manière pertinente dans celles de l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) pour inclure des éléments tirés de ses nombreuses apparitions télévisuelles. Si le thème de l’enfance et les origines familiales sont traités en quelques pages, en raison – semble-t-il – de la pauvreté des sources qui a poussé l’auteur à interroger la famille et les connaissances de F. Furet, C. Prochasson s’est appuyé, pour le reste, sur les documents publiés et sur le fonds d’archives, et a renoncé à recueillir le témoignage de ses nombreux amis (et ennemis). Mis à part la révélation importante de sa désertion de l’Armée française de la Libération en 1944, il reste discret sur la vie privée et les choix personnels de l’historien.

En contrepartie, dans une série de chapitres non chronologiques, C. Prochasson propose une lecture et une interprétation éclairantes des écrits de F. Furet, et défend sa contribution à la pensée politique de gauche. Il commence par revenir sur l’engagement communiste de l’historien. Là encore, C. Prochasson manque de matière : « Heureusement, je n’ai rien écrit quand j’étais jeune », lui fait-il dire (p. 38). Pour contextualiser son interprétation des travaux journalistiques et historiographiques de l’historien, l’auteur poursuit en reconstituant les milieux intellectuels communistes après la Seconde Guerre mondiale. Il accorde une attention particulière à la figure incontournable d’Ernest Labrousse, et note avec perspicacité que F. Furet s’est gardé d’attaquer celui-ci lorsqu’il a tourné le dos à l’historiographie communiste. De même, à propos de son départ du Parti (dont la date exacte n’est pas établie), C. Prochasson émet des hypothèses en se fondant sur l’expérience d’Edgar Morin, qui l’a immédiatement relatée, et celles de Maurice Agulhon, Alain Besançon et d’autres, qui sont revenus sur leur engagement communiste des années plus tard. Il consacre ensuite l’essentiel de son développement à interroger les aspects ambigus de la pensée de gauche de cet excommuniste [End Page 508] atypique. « Furet ne se dépolitisa pas plus qu’il ne rallia la posture d’un anticommunisme déchaîné dont la droite tirait profit » (p. 69).

Évidemment, la façon dont F. Furet a rompu avec le communisme pèse sur sa démarche de liquidation de l’héritage de la Révolution française, qui a toujours servi de référence aux politiques de l’émancipation. Pourtant, en dépit de sa collaboration avec son beau-frère Denis Richet à la fin des années 1960, qui a abouti à La Révolution (1965-1966), on ne mesure pas aisément, à la lecture de l’ouvrage de C. Prochasson, que F. Furet était surtout connu comme une figure montante de l’histoire quantitative jusqu’au milieu des années 1970. Les deux chapitres sur la vision théorique et méthodologique de l’histoire de F. Furet et sur la relation entre les deux visages de l’historien, celui de l’universitaire professionnel et celui de l’intellectuel public, sont particulièrement réussis. L’auteur y sonde, sans le résoudre entièrement, le mystère du cheminement qui conduisit F. Furet à publier Penser la Révolution française en 1978, un essai controversé qui fit date dans l’historiographie de la période.

Une partie du mystère réside dans la proximit...

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