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Reviewed by:
  • Métamorphoses de Mircea Eliade. À partir du motif de Zalmoxis by Dan Dana
  • Daniela Zaharia
Dan Dana Métamorphoses de Mircea Eliade. À partir du motif de Zalmoxis Paris, Éd. de l’Ehess/J. Vrin, 2012, 292 p.

Ce livre met de nouveau en discussion le dossier Mircea Eliade avec l’inévitable incursion sur le terrain du « péché originel » de l’historien roumain des religions. Dan Dana prend comme point d’appui une recherche extrêmement érudite qu’il a développée dans le cadre de sa thèse, dédiée à l’historiographie antique et moderne de Zalmoxis, un personnage à l’identité controversée – divinité suprême, voire dieu unique, des Gètes ou, peut-être, réformateur religieux, bénéficiaire de confusions posthumes concernant sa biographie et même sa nature humaine ou divine. Ces recherches lui permettent de procéder à un découpage original sur un sujet abondamment traité depuis plusieurs années, et pas seulement en Roumanie. M. Eliade a fait l’objet d’une littérature laudative, parfois quasi hagiographique, de même qu’il s’est retrouvé au centre d’investigations exigeantes de son œuvre (Daniel Dubuisson), de ses choix politiques (Alexandra Laignel-Lavastine), de la relation entre sa vision politique et sa conception du religieux (Robert Ellwood, Maurice Olender) ou des sources de son succès (Philippe Borgeaud). Comme le remarquait un autre spécialiste important du « dossier », Natale Spineto, si nous avons depuis 2003 une biographie, écrite par Florin Turcanu, il nous manque encore une synthèse tout aussi ample et analytique concernant les sources et l’évolution de la pensée de M. Eliade1. Or c’est précisément le terrain sur lequel D. Dana a choisi de construire sa recherche, en mettant de manière ingénieuse au centre du débat le couple Zalmoxis-Eliade, le sujet et son observateur entre lesquels naît une complicité élaborée qui va au-delà des limites de la simple curiosité intellectuelle du chercheur.

Une analyse de la pensée de M. Eliade, filtrée à travers l’évolution de son intérêt pour la figure de Zalmoxis, ouvre la voie vers le thème politique de son ralliement à une vision nationaliste qui, dans les années 1930, mène l’historien des religions vers la version roumaine du fascisme, la Garde de Fer. L’auteur consacre précisément un chapitre à la cristallisation dans la culture roumaine de l’entre-deux-guerres du thème de Zalmoxis comme personnage central d’un mythe fondateur, comme axe des théories identitaires centrées sur la préhistoire et le passé préromain de la Dacie. Plus loin, il s’arrête en détail sur l’adhésion sans réserve de M. Eliade au nationalisme « spiritualiste » de la Garde de Fer, qui puise, [End Page 504] entre autres, aux sources de ce « dacisme » à la mode.

Dans la culture roumaine, l’entre-deux-guerres est marqué par une passion, voire une « obsession » (p. 27), pour la découverte des racines archaïques, préromaines, susceptibles d’être employées dans une redéfinition de l’originalité nationale. Ce travail de redéfinition commence au sein de la génération intellectuelle qui précède celle de M. Eliade. Le poète et philosophe Lucian Blaga, l’écrivain Nichifor Crainic (défenseur de l’idée d’un « État ethnocratique »), ainsi qu’une pléiade d’autres intellectuels groupés autour de la revue Gândirea (« La pensée ») jettent, dans les années 1920, les bases d’une réaction contre le modèle modernisateur occidental qui participait, depuis le milieu du XIXe siècle, au noyau idéologique de l’État-nation roumain. Européanisation et revendication de l’identité latine allaient de pair jusqu’ici, mais L. Blaga proclame, dorénavant, la nécessaire « révolte de notre fond non latin » (p. 47) et un retour vers le dionysiaque et l’irrationnel dans la culture.

Paradoxalement, cette vision se renforce au milieu des années 1920 grâce aux travaux d’un spécialiste d’histoire romaine et défenseur...

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