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  • Imaginer le posthumain. Sociologie de l’art et archéologie d’un vertige by Maxime Coulombe
  • François-Marc Gagnon
Maxime Coulombe, Imaginer le posthumain. Sociologie de l’art et archéologie d’un vertige, Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. Sociologie du coin de la rue, 2009, xvi-240 p.

C’est un des paradoxes de l’art le plus actuel, celui qui est le plus proche de nous dans le temps, d’être aussi celui dont il nous est souvent le plus difficile à percer les intentions. Nous n’y arrivons pas sans explications. Je pourrais raconter une anecdote personnelle, pour appuyer mon dire. Visitant une exposition de John Baldessari au Whitney Museum of American Art à New York, il y a de cela quelques années, un premier tour de l’exposition nous avait laissé perplexe, ma femme et moi. Nous décidâmes de suivre le guide de l’exposition qui s’adressait déjà à un petit groupe de visiteurs et tout se mit à s’éclairer. Maxime Coulombe dans son récent ouvrage Imaginer le posthumain. Sociologie de l’art et archéologie d’un vertige, parle d’un groupe d’artistes dont la plus célèbre – je ne dis pas la mieux comprise – est l’artiste française Orlan, s’étant fait l’objet de multiples chirurgies esthétiques pour changer chaque fois l’aspect de son visage. Il y est aussi question de l’artiste norvégien Stahl Stenslie, inventeur du cybersex, de l’australien Sterlac, et son ex-assistant Arthur Elsenaar, de l’artiste américaine Natasha Vita-More et du duo Anthony Aziz et Sammy Cucher, partie américain, partie péruvien. J’étais porté à y voir essentiellement une mise à la mode du jour du body art qui avait fleuri dans la suite des performances durant les années 1970. Ces artistes ne se mordaient plus comme Vita Aconci ou ne se faisaient pas tirer une balle dans le bras comme Chris Burden, mais recouraient à des moyens plus sophistiqués impliquant l’électronique et les ordinateurs pour obtenir ce qui me paraissait des résultats analogues.

Le livre de Maxime Coulombe suggère un tout autre contexte. Pour lui la présence fréquente de l’ordinateur dans ces nouvelles performances n’est pas innocente. Elle vient d’une prise de conscience de l’importance que la cybernétique est en train de prendre dans nos vies. Ces machines nous dépassent déjà en capacité de mémoire, en vitesse de communication, en transparence… et nous font percevoir le corps comme trop lent, trop opaque et incapable d’accumuler autant d’informations ou de les rendre disponibles dès qu’on en a besoin. Le corps devient-il l’ennemi, comme au bon vieux temps de Platon, de saint Paul ou de Descartes? Pas tout à fait. La machine qui le met en question n’est pas une simple prothèse qu’on installe le matin pour mieux voir ou mieux entendre. C’est un instrument en face duquel la plupart d’entre nous passons des journées entières et qui nous dictent ses règles plutôt que nous, les nôtres. Moi qui suis venu tard à l’ordinateur, suis prêt à l’accuser de tous les ratages ou impasses dans lesquelles je me débats à chaque instant – Ah! Tiens pourquoi écrit-il en rouge maintenant? – Alors qu’à voir les jeunes [End Page 524] s’en servir, nous réalisons rapidement que nous ne faisons que projeter sur l’instrument nos limites d’opérateur.

Pour Maxime Coulombe, l’enthousiasme soulevé par l’avènement de la cybernétique, expliquerait à la fois la forte présence des moyens électroniques dans les œuvres de ces artistes, mais aussi leur volonté de dépasser les limites du corps, voire de les nier… d’où cette idée d’un art posthumain. Orlan n’est pas vraiment dépendante de l’ordinateur, mais elle emprunte à l’ordinateur l’effacement du visage, et du corps, s’il est possible d’en changer l’apparence aussi souvent que l’on veut par la chirurgie plastique. L’artiste australien Sterlac explore les...

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