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Reviewed by:
  • Artaud-Gauvreau by Jean-Marc Desgent
  • Nicolas Tremblay
Jean-Marc Desgent, Artaud-Gauvreau, Montréal, Poètes de Brousse, coll. Essai libre, 2010, 72 p.

Artaud et Gauvreau sont des figures majeures de la littérature du XXe siècle. Personne ne conteste cette évidence. Convaincu qu’il faut la réaffirmer, le poète Jean-Marc Desgent leur consacre un petit essai, une plaquette, dont l’originalité consiste dans la lecture croisée entre les deux poètes, français et québécois, ainsi que par le style très personnel et parfois pamphlétaire de l’auteur. La liberté avec laquelle Desgent mord dans son sujet convient à l’esprit de la collection Essai libre des Poètes de Brousses, qui encourage l’expression d’une parole non académique et plutôt intuitive.

Écrivain bien établi, Desgent a publié une vingtaine de livres, la grande majorité étant des recueils de poésie. C’est donc fort de son expérience de la création qu’il rend hommage à l’écriture énigmatique et fulgurante d’Artaud et de Gauvreau. Dès ses premiers pas à Hobo-Québec, aux Éditions Cul-Q et aux Herbes Rouges, Desgent épouse la révolution de la contre-culture ainsi que la charge transgressive du formalisme. La fougue de la jeunesse ne s’est pas tarie avec les années et les prix. En cela, le poète reste fidèle à ses maîtres indomptables, envers qui sa sympathie est débordante. En témoignent deux de ses œuvres assez récentes inspirées par eux : Vingtièmes siècles (2005) est né d’Artaud tandis que dans La théorie des catastrophes (2000), le poète avoue avoir inventé son exploréen.

La critique sur Artaud remplit à elle seule des bibliothèques. Des exégètes importants (Deleuze, Derrida, Foucault, Grossman…) ont commenté l’œuvre du Mômo avec brio. Dans une moindre mesure, la critique sur Gauvreau est considérable elle aussi. L’essai de Desgent, qui semble répondre à un sentiment d’urgence, n’apprendra donc rien aux connaisseurs, en raison de la minceur de son argumentation et de ses propos somme toute assez convenus. Le livre est plus précisément l’objet d’une empathie, l’essayiste lisant volontairement des œuvres admirées sans distance critique afin de mêler sa parole avec elles. Le mince intérêt de cet essai, vraiment trop court et bâclé, réside dans l’invention du concept « Artaud-Gauvreau », dont le trait d’union marque une entité unitaire et globale de ce qui devient pour Desgent, dirait Barthes, le signe d’un signe, bref une mythologie personnelle. Mais il y a là une mystification plutôt que le début d’une percée théorique.

Le livre est composé de trois chapitres précédés d’un avertissement. Dès les premières pages, Desgent prévient le lecteur que la valeur de son essai réside dans l’expression de sa révolte. Sa glose n’est ni savante ni originale. Elle satisfait un besoin d’affirmation. Les chapitres intitulés « Les institutions » et « Les baroques » constituent le nœud de sa penséetrès [End Page 501] déclaratoire. Ils sont suivis par un prolongement intitulé « Éclaircissements », un entretien entre l’auteur et son éditeur Jean-François Poupart où les idées fusent dans une absence de synthèse. Faire un entretien pour conclure le livre est par ailleurs bizarre. Si l’éditeur avait besoin d’éclaircissements, pourquoi ne pas avoir exigé de son auteur un manuscrit plus étoffé?

Au cœur de son étude comparative, l’essai cible deux éléments que partagent Artaud et Gauvreau hormis celui très évident de leur célèbre folie qu’on met un peu arbitrairement de côté (devons-nous rappeler que les poètes, qui sont des cas psychiatriques, ont été internés?). Ils sont d’abord de vrais créateurs, qui pratiquent une « vraie littérature, [c’est-àdire] l’exploration souffrante du langage! » Ils écrivent « en deçà ou au-delà de l’institution littéraire ». Après avoir défini...

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