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  • D’un royaume à l’autre. Essai sur Pierre Vadeboncœur by Réjean Beaudoin
  • Serge Fournier
Réjean Beaudoin, D’un royaume à l’autre. Essai sur Pierre Vadeboncœur, Montréal, Leméac, 2012, 21,95$

En 2013, Réjean Beaudoin reçoit le prestigieux prix Jean-Éthier-Blais pour un essai intitulé D’un royaume à l’autre. L’étude ressemble à un jeu intellectuel d’où émanent à la fois le commentaire savant et l’attention intérieure rigoureuse. Il se distingue encore par le fait qu’il propose un modèle de lecture circonstancié, une sorte de quête, d’aventure, mais [End Page 490] surtout un travail mélangeant le plaisir de la lecture à une analyse d’une grande intensité, lumineuse et clairvoyante.

L’approche de Réjean Beaudoin se révèle aussi bien personnelle, puisqu’elle place en son centre l’amitié que les deux hommes entretenaient, notamment par le biais d’une correspondance nourrie sur une trentaine d’années. Tout en regrettant le décès de son ami, l’essayiste découvre que cette distance obligée le transporte et le force, comme malgré lui, à la relecture intensive et joyeuse de Vadeboncœur, le poussant, du coup, à proposer une véritable exégèse de la pensée du disparu: « Je m’imagine que ses essais furent rédigés précisément comme il correspondait, ce qui veut dire que notre échange épistolaire n’a pas de fin, qu’il continue dans ma relecture. Il ne faut pas chercher d’autre raison d’être à mon livre que la correspondance. Ceci n’est pas une étude critique ». Voilà précisément ce que nous propose cet essai : parcourir toute la voie, parfois sinueuse, et parfois difficile d’accès, empruntée par Pierre Vadeboncœur où l’homme à travers ses tragédies et ses réussites cherche à réorienter les lendemains de nos sociétés. Quand Beaudoin revient sur sa motivation à écrire un texte sur l’essayiste le plus notable du monde culturel québécois, il en vient à expliquer ses motivations profondes :

Je me suis mis à relire son œuvre et je me suis immergé dans une aventure qui ne prenait pas fin comme fait toute action qui atteint son but. Il n’y avait plus de fin. Et j’ai compris que c’était pour cela même que je voulais écrire cet essai, pour découvrir que l’infini ne relève pas de la catégorie de l’inaccessible, mais du défi posé à toute conscience actuelle. Je me trouvais dans l’inachevable en écrivant cet essai et j’ai constaté plus d’une fois depuis lors que j’y suis encore. Je cite à cet égard une toute petite phrase de l’Essai sur une pensée heureuse qui résume en peu de mots ce que j’ai senti : « En effet, on dirait que le commencement d’un autre monde est arrivé ». Telle est l’impression qui ne m’a pas quitté pendant les mois que j’ai mis à rédiger D’un royaume à l’autre (Réjean Beaudoin, Allocution 2013, voir « http://www.fondationlionelgroulx.org/Un-instant-qui-dure-Allocution-de.html »).

D’un royaume à l’autre porte aussi la marque d’une écriture nouvelle. Son essai aussi subjectif que minutieux se répand d’une façon large dans toute l’œuvre de Vadeboncœur et s’intéresse à retracer, sous une forme concentrée, la cohésion et l’équilibre des forces de la réflexion qui s’y développent. Le nouvel univers qui s’y déploie fait exploser le cadre de l’essai traditionnel. Beaudoin précise, avec des exemples tirés des nombreuses œuvres de Vadeboncœur, comment ce dernier établit une description puissante qui suggère un ordre nouveau orienté vers le progrès, la liberté et le pays à acquérir. À l’évidence certaines têtes d’affiche politiques n’ont pas encore quitté la place publique, l’esprit d’exploitation du [End Page 491] peuple n’a aucunement disparu, mais il n’empêche que la critique communiquée par Vadeboncœur continue de contester de manière...

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