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Reviewed by:
  • Le bonheur au féminin. Stratégies narratives des romancières des Lumières by Isabelle Tremblay
  • Daniel Vaillancourt
Isabelle Tremblay, Le bonheur au féminin. Stratégies narratives des romancières des Lumières, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2012, 185 p., 29,95$

Au moment où on assiste à un retour marqué du militantisme féministe sur les réseaux sociaux et dans les médias, ainsi que dans l’espace universitaire, l’ouvrage d’Isabelle Tremblay tombe à point. En effet, les lecteurs et lectrices y retrouveront le vocabulaire d’une critique littéraire féministe qui, il y a encore peu, semblait avoir été mise entre parenthèses : des expressions comme « discours dominant », ou « société patriarcale » qui se retrouvaient dans nombre d’articles dans les années 1980 avaient perdu leur aura dans le monde académique. C’est donc dire que la perspective qui est ici déployée participe de l’archéologie féministe des discours, donnant à lire dans un corpus de bonne dimension les situations narratives dans lesquelles sont placés les personnages féminins conçus par des romancières du XVIIIe siècle.

L’enjeu de cette monographie consiste donc à proposer une version positive de la production littéraire des femmes du XVIIIe siècle. Version positive au sens où l’auteure multipliera les exemples pour montrer en quoi la condition féminine dont elle dresse un rapide portrait de quelques pages au début du texte, aussi difficile soit-elle, va justifier un ensemble d’actes de résistance. Comme Tremblay le dit candidement dans sa conclusion : « Alors que Colette Cazenobe considère que “pour les romans des femmes, plus enracinés dans l’expérience personnelle de leur auteur, le mot de la fin, s’il y en avait un, serait […] : elle se maria, fut malheureuse et elle en mourut”, notre étude a plutôt montré que les romancières proposent dans leurs romans un saut vers l’avant et s’efforcent de rendre le bonheur accessible à toutes. » On comprendra que le point de vue de l’auteure est à l’opposé d’une posture cynique ou d’un pessimisme fataliste. Cela infléchit son mode de lecture et les stratégies interprétatives qu’elle développe au cours des nombreux exemples qu’elle donne à lire.

Comme le titre l’indique, le thème principal de l’essai est le bonheur, thème qui a déjà reçu un certain nombre de travaux importants depuis le doctorat d’état de Robert Mauzi. C’est un thème qui a préoccupé les « philosophes, moralistes, poètes, dramaturges, romancières et romanciers » du siècle des Lumières. Le bonheur dont il est question ici s’apparente à un certain équilibre, une certaine sagesse qui découle des choix de vie des protagonistes représentés par les romancières. On ne définit pas dans le corps de l‘ouvrage ce qu’on doit comprendre par le bonheur si ce n’est qu’il est un but à atteindre, l’objet d’une quête. On ne sait pas s’il s’agit de plénitudes métaphysiques, d’une satisfaction existentielle, de la saturation des désirs. De plus, est peu évoquée au cours de l’ouvrage la question de l’organisation sociale, qui s’avère pourtant importante du [End Page 422] fait que les femmes qui écrivent ou qui sont mises en scène appartiennent à l’aristocratie. Par contre, le point de vue et l’orientation de l’enquête sont clairement déterminés puisque l’étude compte « examine[r] la disposition des personnages féminins au bonheur en fonction des dimensions psychologique, physique, intellectuelle et affective à l’œuvre dans les romans des femmes auteurs de Lumières ». Le lecteur sera amené à déduire par lui-même à l’aide des nombreux exemples ce qu’il doit comprendre de la notion de bonheur. C’est donc la représentation des personnages, et non le dispositif romanesque ou narratif, qui sert à démontrer les différentes modalités de la quête du bonheur.

Le corpus sur lequel travaille...

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