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  • La révélation inachevée. Le personnage à l’épreuve de la vérité romanesque by Yannick Roy
  • Roland Le Huenen
Yannick Roy, La révélation inachevée. Le personnage à l’épreuve de la vérité romanesque, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, coll. (Espace littéraire), 2011, 282 p., 34,95$

Cet ouvrage est une réflexion sur l’art du roman dégagé du questionnement sur le genre jugé stérile, et dont la modernité serait à chercher du côté de Rabelais ou de Cervantès, à la suite de la rupture avec ses manifestations antérieures, hellénistique, héroïque ou pastorale. Également à la suite de Milan Kundera qui définit le roman comme « l’exploration de l’être oublié de l’homme », du continent perdu de sa subjectivité qu’il s’agit de réhabiliter, Yannick Roy conçoit l’art du roman comme la mise en place d’un savoir que chaque grand roman contribuerait à faire progresser. Toutefois et paradoxalement il s’agirait d’un savoir freiné qui pour préserver la subjectivité de son objet, le personnage, s’interdirait d’aller jusqu’au bout de sa finalité cognitive et resterait inachevé. Afin de problématiser ce paradoxe, l’auteur s’appuie à la fois sur l’œuvre théorique de René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, qui défend le savoir du roman et celle de Mikhaïl Bakhtine, La poétique de Dostoïevski, qui en prend le contrepied en confortant la thèse de la liberté du personnage. Dans son analyse des œuvres romanesques de Cervantès, Stendhal, Proust et Dostoïevski, René Girard révèle l’existence d’un mécanisme du désir humain qui, loin d’être déterminé par une trajectoire linéaire et autonome du personnage (sujet – objet), se réglerait sur l’imitation du désir d’un autre selon un schéma triangulaire : sujet – modèle – objet. Au mensonge romantique de la transitivité qui cherche à effacer la présence du modèle dans la représentation du désir, Girard substitue ainsi la nécessité d’une médiation qui attribue dès lors au processus désirant une motivation essentiellement mimétique. La conséquence en serait que la vérité romanesque présenterait quelque connivence avec le comique, puisqu’en rappelant que les personnages se trompent dans leur vision du réel, le roman s’inscrirait contre l’esprit de sérieux. Toutefois le comique ainsi engendré serait dépourvu dans la thèse girardienne d’un attribut essentiel aux yeux de Yannick Roy et qu’il retrouve, à la suite d’Octavio Paz, dans l’humour, à savoir l’ambiguïté. [End Page 404]

Mais pourquoi l’ambiguïté se voit-elle investie d’une telle valeur ? C’est que tout en pourchassant le mensonge romantique, le roman y resterait secrètement attaché, aspect dont Girard ne tiendrait pas compte dans sa réflexion. Celle-ci tendrait, en effet, à dépasser le roman au profit de la seule vérité qu’il aurait pour mission de révéler. Selon l’auteur de La révélation inachevée, cette vérité serait avant tout abstraite et d’ordre intellectuel, mais demeurerait coupée du vécu tant des personnages que des lecteurs enfermés dans la contingence de leur quotidien. « Force est de conclure qu’on ne peut désirer sans se tromper, et sans être dupe, dans l’instant même où l’on désire, du mensonge romantique » qui apparaît dès lors comme « une sorte de nécessité vitale ». Le projet de Girard excèderait en ce sens celui du romancier. Consistant dans le dévoilement complet d’une vérité présente au sein du roman, mais à condition d’y rester dissimulée, il mettrait en question l’existence même de celui-ci. La théorie girardienne souffrirait donc d’un excès de clarté en tant qu’elle est construite sur des oppositions exclusives, concevables abstraitement, mais qui ne laissent aucune place au partage de la liberté entre l’auteur et son personnage, partage rendu nécessaire...

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