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  • Théâtre 2013
  • Mariel O’Neill-Karch

Un collectif récent, Le théâtre néo-documentaire : résurgence ou réinvention ?, sous la direction de Lucie Kempf et Tania Moguilevskaia (Presses universitaires de Nancy et Éditions universitaires de Lorraine, 2013), fait état, dans plusieurs régions du monde, de pratiques théâtrales d’inspiration documentaire qui, depuis les années 1990, continuent de se multiplier. Le Canada ne fait pas exception à cette montée du documentaire, comme en témoignent les pièces d’Olivier Kermeid, Marie-Léontine Tsibinda et Julie Vincent.

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Le titre de la pièce du dramaturge fransaskois Laurier Gareau, Green Mustang, annonce bien que l’intrigue tournera, en partie du moins, autour de questions linguistiques. Éric, professeur de français depuis une trentaine d’années, ponctue sa conversation de citations d’auteurs aussi variés que Jacques Amyot, Descartes, La Rochefoucauld, La Bruyère, Hippolyte Taine, Jules Renard et André Gide et s’indigne quand sa femme ou sa fille se mettent à parler anglais. Son épouse Amanda, avocate de profession, vient d’être nommée juge à la cour provinciale et en a marre de ces citations et surtout du fait que son mari ne pense qu’à sa propre carrière et à ses déboires avec le directeur de son département. [End Page 370] Elle est d’origine ukrainienne et, comme nombre de ses compatriotes, influencés par la politique de Trudeau, opte pour le bilinguisme anglaisfrançais. Éric a été son professeur et il ne cesse de la corriger et d’insister pour qu’elle parle français. Amanda réagit en annonçant qu’elle le quitte : « You can’t just blow this one off by reciting a verse from some dead French poet. Look at me ! Tu peux pas voir que moi, j’ai changé ? Je ne suis plus la même personne. » Leur fille, Mona, prépare une thèse sur Agatha Christie en vue d’obtenir une maîtrise en littérature anglaise, ce qui énerve considérablement son père qui l’envoie, comme quand elle était enfant, consulter le Petit Robert qui trône en permanence sur la table de la cuisine. Le drame, c’est que le père, qui n’a terminé ni sa thèse sur Hugo ni le roman qu’il mijote, ne trouve jamais le mot juste pour s’adresser à sa femme. Si le dramaturge, comme son personnage principal, essaie de sensibiliser son public à l’importance de conserver le français, même en situation minoritaire, il a aussi compris qu’il faut arriver à communiquer, quelle que soit la langue que l’on utilise.

Sex, lies et les Franco-Manitobains de Marc Prescott joue elle aussi sur les divers codes à l’œuvre dans une société bilingue. La quatrième de couverture nous apprend que depuis sa première version, publiée en 2001, la pièce, « devenue l’œuvre de Marc Prescott la plus étudiée dans les départements de lettres à travers le Canada […], est à la fois une critique virulente de la communauté francophone et une métaphore cinglante de ce qu’on a voulu voler à la langue et à la culture des Franco-Manitobains ». Dans une importante préface, Louise Ladouceur montre comment « le bilinguisme sert de moteur à l’action ». Un cambrioleur unilingue (HIM) ayant ligoté Jacques (LUI), lui-même ayant eu l’intention de voler, et Nicole (ELLE), propriétaire de la maison, ceux-ci vont pouvoir profiter de leur bilinguisme vu comme marqueur d’une identité différente de celle d’un francophone ou d’un anglophone unilingues. Nicole enseigne le français, ce qui lui attire cette remarque de Jacques : « Oh ! Scuse-moi, perdon ! Comme ça, “Madame” fait partie de l’élite franco-manitobaine ? », cette élite qui trouve le bilinguisme, dont Jacques est si fier, nocif : « Toujours faire semblant d’être un bon petit francophone respectable. Étudier au Collège. Devenir prof. Se marier. Avoir deux enfants et demi, une maison, un chien pis un gazon. C’est-tu de ma faute si je veux pas ça ? Shit. C’est pas pour erien que je fit pas. Je veux pas “fitter”. Prenez-moé donc...

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