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  • Nouvelle 20131
  • Michel Lord

Riche en tous genres ou sous-genres, car la nouvelle est loin d’être monolithique, l’année 2013 est un bel exemple de métissages génériques et de la variété inhérente au genre narratif bref. On comprendra donc que dans cette chronique sur la nouvelle, je me fais un tant soit peu hégémonique, impérialiste, en annexant des pratiques connexes à la nouvelle. D’abord, parce que certains écrivains originaux font sauter les frontières génériques, tel François Hébert, dans De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi, ou encore de Grands Anciens comme Gilles Archambault, dans le très personnel et émouvant récit intitulé Sortir de chez soi. D’autres récits et chroniques me semblent dignes de figurer dans ce panorama. Je pense aux chroniques haïtiennes de Gary Victor, qui offre dans Collier de débris, un témoignage troublant du tremblement de terre de 2010 en Haïti. À des lieues de là, les éditions Trois-Pistoles, continuent d’alimenter de belle façon la collection Contes, légendes et récits du Québec et d’ailleurs avec des incursions dans les imaginaires de Montréal (Aurélien Boivin) et de l’Abitibi-Témiscamingue (Denis Cloutier). Deux nouvelles collections offrent par ailleurs cette année des surprises intéressantes: du côté du passé, on trouve une réédition des Récits amérindiens (parus en 1893 sous le titre Divers) de Philippe Aubert de Gaspé, et du côté du présent une fascinante série de novella dans la collection Nova du Quartanier. Il y a aussi des nouvelliers de carrière, comme Esther Croft, dont la pratique au long cours ne se dément jamais, et des romanciers comme Sergio Kokis qui s’aventurent de plus en plus dans la nouvelle. Enfin, du sang [End Page 322] neuf continue d’affluer avec de jeunes auteurs comme Samuel Archibald et Raymond Bock, qui s’imposent de plus en plus.

Est-ce donc que des récits peuvent être considérés comme des nouvelles? Les textes du premier recueil de récits de Carl Leblanc, qui a aussi publié deux romans depuis 2006, peuvent entrer dans cette catégorie, pour la simple raison que si l’auteur n’avait pas révélé qu’il raconte des aventures qui lui sont réellement arrivées, on croirait que c’est de la fiction, d’autant plus que, dans le cas de Fruits, la réalité dépasse souvent la fiction. Leblanc, dans un prologue et un épilogue, insiste beaucoup sur le fait que ses « récits […] ne sont pas de la fiction » (prologue). Il soutient qu’il a « voulu raconter ce que l’improbable parfois fomente, à condition bien sûr de ne pas en faire tout un plat ni de flancher dans l’obsessive quête de sens » (épilogue). Alors que faire avec ces textes? Chose certaine, le procédé de la rencontre de hasard y est surexploité, à croire que sa vie est une suite d’émerveillements sans fin. Ces « fruits » du hasard – si je comprends bien le titre du recueil qui ne se retrouve nulle part dans les textes – sont en effet fort nombreux et seraient survenus au cours des 20 dernières années. Il y a ainsi, dans « Le monde aléatoire », ce narrateurauteur qui écoute une chanson de Daniel Bélanger, choisie au hasard sur son iPod, puis soudain le chanteur est là, le heurtant sans le vouloir sur le trottoir. Dans « Postérité », il est fasciné par une belle femme, auteure qui s’est suicidée (sans doute Nelly Arcan), dont il lit un roman qu’un ami est aussi en train de lire; il est même rendu à la même page… « Les yeux noirs » se déroule à Paris peu de temps après qu’il a vu un film avec Mastroianni, qu’il croise dans la rue… Encore à Paris, dans « Paris est une fête », son frère se promène, joualisant à qui mieux-mieux, et tombe sur un Français ami de...

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