In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • The Scorpion’s Sting. Antislavery and the Coming of the Civil War by James Oakes
  • Christine Larrazet
James OAKES. – The Scorpion’s Sting. Antislavery and the Coming of the Civil War, New York, W. W. Norton & Company, 2014, 207 pages.

La Guerre civile américaine visait-elle, prioritairement, à abolir l’esclavage ou à sauver l’Union? Était-elle la résultante de la défense du droit à la liberté ou bien du droit à la propriété? Les historiens américains continuent de travailler au dévoilement des leviers premiers de la guerre et de s’opposer sur ces deux lignes de force d’interprétation. James Oakes, historien de l’émancipation, récemment célébré par le Lincoln Prize pour son précédent ouvrage Freedom National9, fournit une nouvelle lecture de la grande rupture qui a marqué durablement le pays. Selon lui, Lincoln et le Parti républicain ont mené, bien avant la sécession des États du Sud et avant la guerre, une politique volontariste visant à détruire l’esclavage, et suivaient une stratégie contenue dans une métaphore populaire et usitée avant la guerre: celle d’un scorpion entouré d’un cercle de feu contraint de s’imposer sa dernière piqûre létale. En entourant les États esclavagistes d’un cordon de liberté, les Républicains comptaient, graduellement et pacifiquement, contraindre les États esclavagistes à abolir eux-mêmes l’esclavage. La guerre serait le fruit de cette politique d’encerclement, et l’émancipation militaire des esclaves et la Proclamation d’émancipation sa radicalisation.

Ainsi James Oakes replace la focale sur l’amont de la guerre et fait de cette politique stratégique du scorpion le cœur de la lutte républicaine contre l’esclavage, dont toutes les autres grandes actions deviennent conséquences: la sécession des États esclavagistes, la guerre, l’émancipation militaire, la Proclamation d’émancipation et le 13e amendement à la Constitution. Toutes ces étapes seraient, selon Oakes, des développements de cette politique première des abolitionnistes et des Républicains. Ce faisant, l’historien remet à la place qui lui convient, selon lui, la Proclamation d’émancipation, déclarée le 1er janvier 1863, dont il regrette qu’elle occupe la place centrale dans la plupart des études. «Comme une supernova qui a explosé, écrit Oakes, la Proclamation d’émancipation est devenue une force gravitationnelle si forte que d’autres politiques antiesclavagistes importantes disparaissent trop souvent dans le trou noir de l’émancipation militaire» (p. 15). Quels que soient les regards portés sur la Guerre civile et l’esclavage, Oakes regrette que le débat s’articule invariablement autour de ce point nodal, les idolâtres de Lincoln le dépeignant comme un génie politique ayant attendu le bon moment pour que les Américains soient prêts à accepter une politique d’émancipation militaire et les sceptiques arguant, eux, que Lincoln aurait pu, ou aurait dû, signer la déclaration dès le début de la guerre et non vingt mois plus tard. Or ce qui prime, et qui est antérieur à toutes choses, selon James Oakes, est la stratégie progressive, et dans un premier temps pacifique, qui visait à encercler le Sud esclavagiste d’un [End Page 184] cordon de liberté et le contraindre à s’autodétruire comme un scorpion encerclé de feu.

Dans ce court ouvrage de quatre chapitres, l’auteur revoit les différents conflits et les lignes de division entre les antiesclavagistes et les pro-esclavagistes, les Républicains et les Démocrates: la prééminence du droit à la liberté sur celui du droit à la propriété, l’articulation des concepts de race et de citoyenneté, la présomption de liberté contenue dans la Constitution, et le droit à l’émancipation militaire en temps de guerre. En retraçant l’histoire de tous ces points de conflits, Oakes cherche à faire la démonstration que l’esclavage était bien au cœur de la guerre et que Lincoln et les Républicains étaient habités par la volonté réelle de détruire l’esclavage. En témoigne leur politique du scorpion, mise en place avant même la...

pdf

Share