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Reviewed by:
  • Grammaire françoise. French Grammarby Claude Mauger
  • Gilles Siouffi
C laudeM auger, Grammaire françoise. French Grammar. Édition de V alérieR aby. ( Descriptions et théories de la langue française, 1.) Paris: Classiques Garnier, 2014. 651 pp.

Dans la vaste entreprise autour des grammaires françaises des dix-septième et dixhuitième siècles que dirigent Bernard Colombat et Jean-Marie Fournier, et qui donne lieu simultanément à une numérisation des textes au sein de la base ‘Grand Corpus des grammaires françaises, des remarques et des traités sur la langue’ chez Garnier numérique, et à des éditions critiques en format papier, vient de paraître ce nouvel opus, qui est le fruit du travail de Valérie Raby: la Grammaire françoisede Claude Mauger (onzième édition, 1684), ouvrage didactique essentiellement destiné à un public anglais — plus généralement étranger. L’ouvrage étonne, pour un lecteur moderne. Tout d’abord, dans sa version présentée aujourd’hui, il est composite: c’est en réalité la somme de cinq ouvrages différents, qui plus est en trois langues: le français, l’anglais et le latin. Par ailleurs, un œil moderne a parfois du mal à y voir ce que nous appelons aujourd’hui ‘grammaire’. Mauger faisait partie de ces nombreux enseignants du français en Angleterre, en pleine vogue de l’apprentissage de cette langue. Tout est parti d’une première grammaire française en latin publiée en 1651 à Blois (sa ville d’origine, ce qui constituait un avantage pour l’enseignement du français), le Tyrocinium linguae gallicae, auquel l’auteur a ensuite ajouté, en les remaniant et adaptant, des sortes de petits dictionnaires de mots ‘nécessaires’, un traité de prononciation, de longues séries de dialogues (bilingues), un ensemble de tables morphologiques qui deviendra The Grounds of the French Tongue, des Parties d’oraison, une Grammaire anglaiseen français, et une série de ‘phrases familières’. L’ensemble fut le plus gros succès du temps, jusqu’au milieu du dix-huitième siècle. Si les qualités d’authentique ‘grammairien’ de Mauger ne sont pas évidentes (il simplifie, essentiellement, les précieuses et souvent originales remarques de ses sources principales que sont Maupas, Oudin, Vaugelas et Chiflet, rappelées par l’érudit travail critique), l’ouvrage vaut par sa diversité de démarches, précisément, qui allie apprentissage par ‘règles’ et par ‘routine’. La recherche de ‘règles’ simples était évidemment vue comme un jeu, un défi excitant les facultés rationnelles du lecteur dans un esprit de confrontation directe avec la langue, même si elle conduit parfois à des apories, et les dialogues entendent maintenir l’apprentissage dans un esprit de légèreté, une bonne partie de son lectorat étant d’ailleurs représenté par des femmes. Par ailleurs, le dialogue constant et varié avec l’anglais (pratiqué dans les deux sens, et autant au plan de l’objet que du métalangage) ne manque pas de faire surgir de nombreuses questions — autour des temps, par exemple, question relevée, avec la prononciation et les articles, comme l’un des trois ‘points forts’ de l’ouvrage par son éditrice, les trois représentant à vrai dire de grandes gageures pour tout apprenti descripteur. Raby note dans son Introduction que l’ouvrage est un bon témoignage de la conception ‘extensive’ de la grammaire qui était commune à l’époque, époque fascinée par la langue maternelle de l’autre. Aujourd’hui, à lire un ouvrage ancien illustrant cette fascination, on retrouve un plaisir presque enfantin, et il n’est pas douteux qu’il s’agisse là d’une pierre importante dans l’édifice de la ‘grammatisation’ des langues modernes à l’Âge classique. [End Page 576]

Gilles Siouffi
Université Paris-Sorbonne

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