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  • La Littérature au prisme de l’économie: argent et roman en France au XIXe siècle ed. by Francesco Spandri
  • François Kerlouégan
La Littérature au prisme de l’économie: argent et roman en France au xixe siècle. Sous la direction de Francesco Spandri. (Rencontres, 90.) Paris: Classiques Garnier, 2014. 399 pp.

Fruit de séminaires de recherche et d’un colloque international, l’ouvrage collectif dirigé par Francesco Spandri, riche de dix-neuf contributions, part de l’hypothèse que l’argent trouve sa vérité dans et par la littérature, en particulier au dix-neuvième siècle, où ‘l’économique […] reste un passage obligé pour toute entreprise romanesque’ (p. 21). S’appuyant sur plusieurs approches critiques et s’attachant autant à la représentation qu’à la pensée de l’argent, l’ouvrage analyse ce dernier en tant que ‘principe formel’, [End Page 548] ‘réseau thématique’ et ‘objet culturel’ (p. 27). Le premier volet de l’ouvrage, le plus ambitieux, examine l’argent comme processus narratif et stylistique. Jean-Joseph Goux met ainsi en rapport, dans le roman balzacien, l’omniscience de l’argent et celle du narrateur: si Balzac choisit, comme moteur de son œuvre, ce principe totalisant qu’est l’argent, c’est qu’il lui assure une représentation totalisante du réel. Susi Pietri interroge ensuite la manière dont les écrivains ont réfléchi à la représentation et à l’imaginaire balzaciens de l’argent: à la fois indice d’une époque et force motrice du récit, l’argent balzacien est perçu par eux comme ‘la figure de synthèse qui relie les mondes représentés aux formes de la représentation’ (p. 87). Enfin, Éric Bordas, mettant en lumière les outils auxquels le roman balzacien a recours pour faire passer l’argent romanesque des rives du légendaire à celles de la réalité concrète, conclut à l’autonomie du signe linguistique financier: ‘la fiction balzacienne de l’argent […] peut même se passer de personnages, de concret, d’identification, pour ne plus laisser observer et suivre que les opérations d’une manipulation’ (p. 131). La seconde partie du livre aborde, de manière plus attendue, les représentations de l’argent. Analysant celui-ci dans Le Comte de Monte-Cristo, François Vanoosthuyse oppose ainsi l’argent fabuleux au capital moderne. Agnese Silvestri étudie, quant à elle, la manière dont l’argent, dans le roman de Sand Le Meunier d’Angibault, fait obstacle au progrès de l’histoire. Luca Pietromarchi choisit d’observer L’Éducation sentimentale, où, affirme-t-il, les rapports humains sont minés par une logique commerciale. Pour finir, Pierre Glaudes met en lumière, dans la nouvelle de Bloy, ‘La Religion de M. Pleur’, l’existence d’une ‘théologie de l’argent’ (p. 261). Du dernier pan de l’ouvrage, qui rassemble des approches d’historiens et de sociologues sur l’argent romanesque, on retiendra en particulier la contribution de Carole Christen-Lécuyer, qui se penche sur l’institution des Caisses d’épargne et leur représentation dans la fiction. Alors que la littérature populaire, par le biais d’apologues, de recueils de maximes et d’almanachs, met en place une véritable ‘pédagogie de l’argent’ (p. 311) incitant le peuple à placer son argent aux Caisses d’épargne, le roman représente ces dernières de manière plus équivoque. Si l’on regrettera la succession de monographies, là où un travail de synthèse eût été plus novateur—mais c’est la loi de l’ouvrage collectif—, ce livre stimulant pense néanmoins avec acuité et précision l’un des objets les plus éloquents de la France du dix-neuvième siècle.

François Kerlouégan
Université Lumière Lyon 2 — UMR LIRE
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