University of Nebraska Press

Le recueil Plus haut que les flammes de Louise Dupré évoque un univers infernal. Revenue d’une visite du camp d’Auschwitz, une femme se tient debout face à la folie meurtrière du monde. Son poème, alors, résonne au-dessus des incendies afin de voir haut et loin dans l’avenir. L’analyse de Plus haut que les flammes permettra d’approfondir la notion de témoin in absentia. Quelle posture adopte cette femme face aux carnages du monde? De quoi témoigne-t-elle alors qu’elle n’était pas sur les lieux du crime? Quelle est sa relation au récit, à l’histoire événementielle et à la mémoire? Enfin, quel langage emploie-t-elle pour dire l’irreprésentable? C’est à ces questions que répondra le présent article.

Mots clés

poésie québécoise contemporaine, témoignage in absentia, génocides, mémoire, Louise Dupré

Le recueil Plus haut que les flammes, qui a valu à l’auteure québécoise Louise Dupré le Grand Prix du Gouverneur général en 2011, suggère un univers infernal. “Ton poème a surgi / de l’enfer” (13), constate dès le premier vers le je lyrique féminin. C’est le point de départ autobiographique d’un voyage qui amène la poète dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Une fois revenue, cette femme “aux yeux brûlés vifs” (13) se tient debout face à la folie carnassière du monde, un enfant à ses côtés. Son corps de douleur, dont les pas contiennent “tout le sang / du monde” (98), ne ploie pas sous le désespoir, car elle semble vouloir préserver l’innocence de cet enfant, image fragile d’une survie et d’un espoir existentiels.

L’une des questions majeures qui se pose à la lecture de ce recueil est la suivante: si le savoir demeure un ensemble de connaissances apprises notamment par l’expérience, comment l’expérience concentrationnaire est-elle transmise dans cette œuvre? En d’autres termes, quel témoignage peut offrir une femme qui n’a pas vécu directement l’horreur d’Auschwitz et dont le “souvenir est un carré / blanc sur fond blanc” (62)? De plus, quel langage emploie-t-elle pour dire l’irreprésentable?

Afin d’amorcer la réflexion, il est utile de revenir à l’incipit de Plus haut que les flammes où le sujet, dans un tutoiement autoréférentiel, s’exprime ainsi: [End Page 16]

Ton poème a surgi de l’enfer un matin où les mots t’avaient trouvée inerte au milieu d’une phrase

un enfer d’images fouillant la poussière des fourneaux

(13).

Cette suite de strophes brèves, un distique et deux tercets, met en valeur l’agentivité non pas du sujet féminin, mais plutôt du poème. En effet, deux termes révélateurs s’en dégagent: d’un côté, le mot “enfer” est mis en relief par la coupe syntaxique qui survient entre le premier et le deuxième vers, coupe qui l’isole au milieu de la page blanche. De l’autre, l’adjectif “inerte,” lui aussi fruit d’un rejet, exprime clairement la passivité du sujet à laquelle s’oppose un univers de destruction, transmis ici par une métonymie; ce sont bien les images qui fouillent et non pas les êtres humains. La présence du verbe “surgir” demeure capitale dans cette action. Soutenue explicitement par le retentissement dans les vers des consonnes dentales et vibrantes, elle insuffle la vie au poème: c’est bien lui qui s’incarne dans le présent de la création. “[L]e poème te tient tête” (61), avoue le je lyrique, comme il “tient tête à l’immonde” pour Paul Chamberland dans son essai En nouvelle barbarie (163). Au tout début de Plus haut que les flammes, le poème entreprend son voyage, son questionnement du réel; telle une conscience qui interroge le monde, il essaie de trouver un sens, et non pas une vérité, dans les restes d’un univers dévasté. D’ailleurs, ce qui reste après l’immonde mérite d’être questionné, cependant quels sont les mots encore susceptibles de porter un sens? Alors qu’à Auschwitz ils ont été brûlés de l’intérieur, comme le soutient Georges Steiner (Langage et silence), qu’est-ce qu’il en subsiste afin d’amorcer la traversée de l’obscurité? Ces mots sont nommés dans l’incipit du recueil, eux qui sont “en chute libre / dans les images / champs, camps, cadavres / et les corps disloqués” (50), eux qui dans leur état de pauvreté demeurent, selon la poète, “susceptibles de redresser / la nuit” (45). Alors que le langage est limité par plusieurs facteurs (le manque de concepts adéquats, les interdits de représentation ainsi que le caractère exceptionnel de l’événement concentration-naire), la tension vers une langue de l’irreprésentable se manifeste impérieusement. En réalité, l’amour pour les mots ainsi que la préoccupation relative à leur justesse traversent tout le recueil de Louise Dupré et accompagnent un je lyrique lucide, conscient autant de la petitesse que de la préciosité de ce legs. De plus, ces mots “pris sous des métaphores / désuètes” (70), dans les mailles d’une parole souillée après Auschwitz, ces mots, qui font défaut, deviennent la “chair” du langage (104) comme d’ailleurs le poème en est le corps (“jusqu’au sang / des mots” 63). C’est [End Page 17] alors, dans un élan vitaliste, que le corps-poème donne voix au sentiment pressant d’urgence. Les vers qui suivent complètent l’incipit du recueil:

et les âmes sans recours réfugiées sous ton crâne

c’était après ce voyage dont tu étais revenue

les yeux brûlés vifs de n’avoir rien vu

(13).

Ici aussi, l’épuration caractérise les deux premiers vers: deux trisyllabes campent le début de la strophe suivis d’un hexasyllabe porteur d’une assonance révélatrice (âmes/crâne); le rythme est créé surtout par leur correspondance métrique ainsi que par la présence de nombreuses voyelles postérieures (â/ou/on/en). Un tel élan lyrique se brise sur un constat prosaïque situant le sujet dans son contexte, car l’auteure a effectivement franchi le seuil d’Auschwitz. Elle se confronte alors aux restes d’un réel difficilement concevable. Les corps brûlés, les cendres dispersées, les âmes, comme nous le verrons, en deuil de cercueil . . . Voici ce qui transcende les images d’archive et qui atteint les yeux de cette femme. Paradoxalement, dans le distique final (deux pentasyllabes marqués par une allitération en v, vifs/vu), c’est par le biais de la non-vision, ou par le court-circuit de la vision, que le présent du corps se manifeste, réaffirmant ainsi le refus de l’assignation du poème à la pure image. Ce corps alors est métaphoriquement lié à cette humanité par le même sort, c’est-à dire la calcination. Revenons aux vers “et les âmes / sans recours / réfugiées sous ton crâne,” car ils recèlent une posture existentielle suggérée dans d’autres recueils de Louise Dupré. Dans Tout près de 1998, le sujet écrit: “Avoir été une femme encombrée de cadavres, avec ses seules mains pour palper la lumière” (33). Alors qu’Une Écharde sous ton ongle, en 2004, accueille un tu ayant “les yeux fixés / sur cette crypte en toi / où tu te promènes / entre de vieux tombeaux” (19). Des morts sont évoqués dans les vers extraits de Plus haut que les flammes:

Quand le sol est si friable que les morts se mettent à remuer dans leur voix

tu peux alors entendre se détacher la plainte du monde

comme une physique de la douleur

(102–03). [End Page 18]

La voix de ces morts, qui n’arrêtent pas de mourir dans un présent éternel, est accueillie ainsi par le je lyrique. S’instaure alors une sorte de vibration affinitaire entre le tu et le eux; il s’agit d’un appel que le poème fait résonner dans toute son humanité. Or “[l]a parole qui se déploie dans ce poème n’est pas l’expression d’un sujet propriétaire de son discours, maître de sa raison. Elle existe dans l’échange avec l’autre, dans l’appel que lance l’autre et qui rend fructueuse toute démarche poétique” (Dolce 248). Preuve en est ce court passage tiré du même recueil:

te voici assez forte pour accueillir en toi le monde à jamais endeuillé

le porter, le bercer aussi longtemps que tu vivras

(101).

Le “voici,” cette sorte de verbe qui désigne ce qui est là dans le moment même de la parole, accentue la présence de ce tu dont le marqueur axiologique “forte” exalte la détermination. Il est également important de souligner la signification du verbe “accueillir” qui, loin de tout geste d’appropriation, suggère un état de présence constante à ce qui survient. D’autres verbes comme “porter” et “bercer,” renvois assez explicites à l’enfantement, révèlent une impulsion vitaliste parcourant ce corps-poème: c’est une promesse, scellée par le vers final, que cette femme fait au nom de la responsabilité.

La présence à soi comme acte fondateur

Dans un article consacré au recueil Territoires occupés, mon attention portait sur une nouvelle figure testimoniale qui émerge dans le panorama littéraire contemporain alors que celui-ci voit la disparition de plusieurs témoins directs ou indirects de certains événements concentrationnaires et génocidaires. Cette figure, que j’avais appelée le témoin in absentia, correspond à “un sujet qui, tout en portant un témoignage, n’a jamais participé directement ou indirectement à l’événement qu’il évoque ou suggère: ni protagoniste ni terstis (tiers)” (309), il est absent de cet acte unique qui arrive dans un ici et un maintenant ponctuels. L’analyse de Plus haut que les flammes invite précisément à s’interroger sur la notion de témoin in absentia. Toutefois, avant de mettre au jour sa nature, il serait utile de rappeler, même brièvement, les caractéristiques qui distinguent le témoin afin de saisir les affinités ainsi que les différences spécifiques des deux postures.

Giorgio Agamben, dans son essai Ce qui reste d’Auschwitz de 1998, ainsi que Jacques Derrida, dans son article “Poétique et politique du témoignage” (2004), se penchent sur l’origine du terme témoin et pour ce faire reviennent aux racines latines [End Page 19] du mot. D’ailleurs, Derrida s’appuie sur les recherches d’Émile Benveniste qui retrace la généalogie du terme dans Le Vocabulaire des institutions indo-européennes en 1964. En effet, le latin recourt à deux termes pour désigner le témoin: terstis et superstes. Le premier, dont dérive témoin, signifie à l’origine “celui qui se pose en tiers entre deux parties dans un procès ou un litige” (Agamben 17). Le second qualifie celui ou celle qui vit et traverse personnellement un événement de bout en bout. Le superstes “décrit le témoin soit comme celui qui ‘subsiste au-delà,’ témoin en même temps que survivant, soit comme ‘celui qui se tient sur la chose’ qui y est pré-sent” (Derrida 526). Cependant, une troisième figure se dégage, et ici je pense aux considérations d’Alexandre Soljenitsyne (Archipel du Goulag) et de Primo Levi (Les Naufragés et les rescapés), pour qui les vrais témoins ou les témoins intégraux correspondent à ceux qui ont touché le fond et ne sont pas revenus.1 Ce qui importe, dans ce contexte, c’est que le témoin, fût-il survivant ou testis, jure devant la loi avoir été présent lors de l’événement. De plus, Derrida rappelle qu’il serait incorrect d’associer le témoignage à la preuve, car témoigner n’est pas prouver; autrement dit, témoigner réfère à un acte de foi à l’égard d’une parole assermentée. Néanmoins, et ici émerge le premier écueil de la question, “Un témoin ne peut invoquer avoir été présent à ceci ou cela [. . .], qu’à la condition d’être et d’avoir été assez présent à lui-même comme tel, à la condition de prétendre en tout cas avoir été assez conscient de lui-même, assez présent à lui-même pour savoir de quoi il parle” (529). Plus clairement, la présence de cet être à l’événement ne garantit pas qu’il ait nécessairement saisi ce qui s’est passé. En commentant le sort de Maurice Blanchot (L’Instant de ma mort), Derrida, dans son essai Demeure, constate que “cette chose-là, cette séquence d’événements—avoir failli être fusillé, s’en être échappé etc.—il ne suffit pas qu’elle soit arrivée pour que celui à qui cela a failli arriver comprenne” (125). Ce doute s’enracine dans la conscience critique et parcourt également la réflexion de Philippe Mesnard qui, tout en relativisant la formule “j’y étais,” constate qu’“[i]l ne sert peut-être pas à grand-chose d’y avoir été si l’on n’a pas dans sa ‘boîte à outils’ ce qu’il faut pour mettre en forme son témoignage” (56). Mais celui qui sape cette notion de pertinence de la présence du témoin sur place est Alexis Nouss. Son étude “Irrévocable témoignage. À propos de Paul Celan,” consacrée à ce poète dont les parents furent engloutis dans l’univers concentrationnaire nazi, marque la transition vers une autre figure testimoniale. Nouss y avance: “Chez Celan, le témoin est non tant celui qui voit, et veut voir, que celui qui accueille une vision, qui accepte, demande ou exige de l’accueillir, voire de la susciter, afin de l’intégrer dans une parole et une pensée” (322). En s’inspirant de Nouss, Régine Robin s’interroge davantage sur ce témoin qui semblerait porter “en lui ce savoir de l’indicible et parfois de l’invisible” [End Page 20] (La Mémoire saturée 272). Il serait ainsi légitime d’inférer que la présence à soi reste l’acte fondateur de l’éthique testimoniale.

En effet, écrire à partir de soi2 demeure une priorité pour Louise Dupré “dont le travail a toujours été porté par la nécessité” (Tout comme elle 99), la nécessité d’aller au bout de quelque chose et celle aussi “d’aborder certaines questions douloureuses qu’on vit actuellement, vers lesquelles il faut se tourner pour approfondir notre lien au réel” (94). D’ailleurs, le sujet féminin de Plus haut que les flammes s’avoue: “tu n’es pas une femme / à renoncer” (90). Il s’agit d’une présence à soi qui implique une posture lucide tant face au geste posé dans l’acte d’écrire qu’à l’égard de la transmission des paroles auxquelles l’écrivaine prête la voix. Cette présence à soi est la condition originaire de la responsabilité qui, à son tour, constitue l’un des piliers de la notion de justice. Dans ce contexte, les mots de Derrida acquièrent toute leur valeur alors que le philosophe pose cette interrogation incontournable: “[. . .] sans cette responsabilité et ce respect pour la justice à l’égard de ceux qui ne sont pas là, de ceux qui ne sont plus ou ne sont pas encore présents et vivants, quels sens y aurait-il à poser la question ‘où,’ ‘où demain’?” (Spectres de Marx 16).

La responsabilité d’être née . .

D’autres paradoxes découlent cependant de l’aporie du témoin in absentia. Comme ce témoin n’était pas présent lors de l’événement, il sera inévitablement soupçonné de contrefaçon; pris entre la vérité et l’invention, le factuel et le fictionnel, il ne pourra jamais soutenir qu’il dit la vérité, précisément parce qu’il était absent. Il est évident que le parjure guette également le témoin direct qui n’est jamais non plus à l’abri de la falsification. Toutefois, son point de départ réside quand même dans l’événement auquel il a assisté, contrairement au témoin in absentia qui, lui, souffre d’un manque originaire. Et d’ailleurs, le sujet lyrique de Plus haut que les flammes remarque cette carence lorsque, en se référant à son enfance, il écrit:

mais personne chez toi ne mourrait au bout de la haine.

(31)

Néanmoins, la petite histoire personnelle et familiale est bousculée par le legs que la grande Histoire transmet au sujet. Vers la conclusion du recueil, le je constate:

tu es née des baïonnettes anonymes

qui ont ouvert la chair des femmes et des drapeaux.

(88) [End Page 21]

À la déclaration concise du premier distique, dépourvu de toute tournure rhétorique, répondent deux vers homométriques très denses, puisqu’une métaphore et une métonymie s’y imbriquent.

Apparemment, cette femme porte la responsabilité d’être née “au sein d’une espèce / prête à tuer” (69). “Dans tes pas, il y a tout le sang / du monde,” reconnaîtelle. Cependant, le sujet ne s’approprie pas nécessairement la cruauté du monde; bien au contraire, sa posture vacille entre l’appartenance à une race de tueurs (“tu es humaine / et tu le sais” 88) et le lien profond qui se tisse avec les victimes. En paraphrasant les vers de Dupré, il est essentiel de se souvenir que le je lyrique de Plus haut que les flammes, comme celui d’autres de ses recueils, se perçoit comme une femme encombrée de cadavres. En effet, tout en étant en vie, elle est habitée par des morts; tout en n’ayant pas vécu leur destin catastrophique, elle les porte en elle. Quand cette femme affirme parler à partir de soi, n’est-ce pas plutôt la voix de ceux et celles qui ont vu la Gorgone qui résonne, entre autres, dans ses vers?

À mon avis, la faille du témoin in absentia demeure dans le fait qu’il ne peut pas exister dans le dire factuel, dans le dire documentaire. Ses mots ne sont aptes qu’à décrire une présence, pour lui, irrévocablement en creux. Chez Louise Dupré, cependant, il y a une quête constante du mot juste, du mot épuré qui évoque l’indicible:

et tu tournes dans tes phrases en chassant par milliers les insectes noirs sur la crête des mots.

(52)

Le premier distique, formé de deux vers trisyllabiques cadencés par des occlusives dentales (t/d), contient un tu actif. En fait, si à la première lecture, le verbe “tourner” renvoie à un mouvement circulaire suggérant une impasse, une analyse plus approfondie nous invite ailleurs. Celui qui, à la suite d’un vœu de pauvreté, tourne dans une danse inépuisable, c’est bien le derviche; ce danseur qui grâce à la répétition hypnotique de ses mouvements circulaires s’engage dans une quête du sens. La recherche d’une langue frugale, délestée des impuretés rendues ici métaphoriquement par les insectes noirs, demeure une priorité pour le je lyrique. La stratégie scripturale à adopter sera celle de l’épuration, de la soustraction, de la méfiance et de la vigilance: il faut arracher la langue aux mystifications, ne rien laisser passer qui aille dans le sens de la facilité, de la réitération d’expressions “non pensées,” découlant des clichés que l’on respire dans l’air du temps. Écrire consiste à éliminer les scories, à refuser les discours trop faciles diffusés par les médias.

Revenons au concept de “mot juste” évoquant l’indicible. En fait, dans ce contexte, l’indicible ne correspond pas nécessairement au terme utilisé trop souvent dans le discours critique afin de connoter la fracture provoquée dans le langage par l’horreur indescriptible de l’univers concentrationnaire. Sans entrer dans la polémique [End Page 22] qui oppose, entre autres et indirectement, Primo Levi à Claude Lanzmann,3 je crois que, dans notre cas, l’indicible ne réfère pas seulement “à un certain absolu d’horreur” (Lanzmann, “Holocauste, la représentation impossible” 7), mais qu’il renvoie également à la chose qui ne peut pas être dite car personne n’y a assisté. Cependant, tout en n’étant pas là, le témoin in absentia porte en lui les victimes. Son témoignage sera alors une promesse d’engagement, un acte de foi, non pas face à l’événement, mais à l’égard des multiples présences qui l’habitent. C’est peut-être pour cette raison que la langue ne peut pas dire ou décrire, mais qu’elle peut seulement suggérer, évoquer quelque chose. Dans Plus haut que les flammes, le je ne cherche pas à représenter ou à ressusciter le passé catastrophique. Bien au contraire, cette femme plonge dans une quête qui se fait à partir du présent, de la difficulté de continuer à vivre et à survivre dans un monde irrévocablement compromis, qui demeure le théâtre de la perpétration d’autres charniers. Dans le recueil, la Shoah n’est pas revisitée et d’ailleurs les enfants d’Auschwitz ne sont pas décrits. Il n’existe que des objets banals:4 des biberons cassés, de petits manteaux, des robes mitées qui, surgissant simplement des vers, tels des kaléidoscopes, reflètent ce que chaque lecteur veut y déceler. Et d’ailleurs, comme le rappelle Alain Parrau, c’est dans “le dénuement radical que les choses apparaissent dans la plénitude de leur être” (191–92). L’appel à l’autre est fondamental dans ce recueil où la valeur éthique demeure plus forte que la véridiction factuelle et son impératif d’authenticité.

Le témoin in absentia de Plus haut que les flammes ne témoigne pas en faveur de ces autres qui l’habitent, il ne le fait pas non plus à la place de ces âmes sans recours refugiées sous son crâne. Tout au contraire, loin d’être leur porte-parole, cette femme au corps creux, telle une caisse de résonance, vibre et propage tant la voix des disparus que leur silence. C’est comme si, pour citer Pierre Ouellet, sa “vie ‘psychique’ était faite non seulement de leur mort ‘physique’ prématurée, [. . .] mais aussi du prolongement indéfini de leur vie brusquement interrompue, dont [. . .] elle vit par procuration non tant la renaissance que la revenance ou la survivance” (223).

L’aporie de la mémoire

À présent, il existe un autre élément majeur à interroger, qui est évoqué dans cet ex-trait de Plus haut que les flammes: [End Page 23]

après une catastrophe sans témoins

aucun récit, aucun visage

ton souvenir est un carré blanc sur fond blanc.

(62)

Trois éléments capitaux émanent de ces vers: le témoin, le récit et donc l’histoire événementielle, et le souvenir, c’est-à-dire la trace inscrite dans la mémoire. Les trois d’ailleurs sont mentionnés, à la manière mallarméenne, par le truchement de la négation. Il va sans dire que l’imbrication entre l’histoire et la mémoire est tout à fait inévitable, car la visée de fidélité de la mémoire s’entrecroise avec la visée véritative de l’histoire (Ricœur 7). Toutefois, cet axiome s’effrite dans le cas du témoin in absentia pour qui l’événement n’est pas inscrit dans son espace psychique, même si la souffrance des victimes l’est, elle. Qu’en est-il alors de sa mémoire, comparée dans le poème au tableau abstrait et monochrome de Kazimir Malevitch, le père du Suprématisme russe? Le lien est vite établi car la peinture de ce maître, préfigurant l’absence de toute représentation, tendait à l’exaltation de la pure sensation. Dans ce cas précis, sommes-nous encore aux prises avec une mémoire factuelle et tendanciellement documentaire? Je ne le crois point. Marianne Hirsch, dans son ouvrage Family Frames, alors qu’elle aborde le processus mémoriel des descendants des victimes de la Shoah, leur attribue une postmémoire. Il s’agit d’une mémoire dont l’attachement aux sources ne se diffuse pas par l’entremise des souvenirs, mais bien au contraire par “un investissement imaginaire et par la création” (Robin, “Entre témoin et héritier: Une certaine inquiétude” 185). L’imagination et la création seront en conséquence dotées d’un pouvoir heuristique capable de décloisonner la réalité et d’y ouvrir de nouvelles dimensions. Cette idée a été soutenue tant par Jorge Semprun que par Robert Antelme, pour qui “seul l’imaginaire pouvait approcher l’irréalité des camps, seule la fiction pouvait en figurer l’indicible vérité sans mentir” (Nouss, “Parole sans voix” 74), et par Varlam Chalamov qui voyait dans la fiction un mode fondamental de connaissance. En d’autres termes, il est ici question d’une mémoire de l’absence factuelle et de la présence imaginative.

Pierre Ouellet, dans son article “Du témoignage à l’âge de la fiction,” recourt à trois types de mémoire lorsqu’il s’agit de périodiser la littérature mémorielle en rapport avec l’événement dramatique originaire. Une mémoire de la proximité, liée aussi bien aux victimes qu’aux témoins directs, est remplacée par une mémoire de la distance minimale alors que surgit la figure du témoin indirect. La dernière sur l’échelle chronologique demeure la mémoire de l’éloignement, de l’intervalle, du reculé, “dont le ‘point de vue’ échappe à un ancrage direct ou indirect dans les faits au profit d’un balayage complet du champ général” (220). C’est comme si, en perdant le focus originaire au profit d’un plan panoramique, le champ d’observation de la [End Page 24] mémoire s’élargissait. Ce processus impliquerait tant une amplification des effets découlant de l’événement originaire qu’une forte répercussion de ces effets sur les consciences contemporaines. Selon Ouellet, la dispersion des restes, résultant de la perte mémorielle, se serait “muée en une véritable insémination des consciences, un ensemencement du terreau imaginaire qui s’est peu à peu substitué au sol mémoriel dans lequel les faits restent ancrés ou enracinés” (222).

À la lumière de ces considérations, il est utile de rappeler rapidement les traits propres au témoin in absentia de Plus haut que les flammes afin de revenir à la question de départ: quelle sorte de savoir nous transmet cette femme? Celle-ci, qui était absente lors de l’événement génocidaire, mais qui est profondément lucide, accueille pourtant la mort “physique” des disparus. Toutefois, il ne faudrait pas déceler dans cette posture une sorte d’attitude muséale ou une tendance à cristalliser leur disparition. En effet, cette femme porte également dans les tréfonds d’elle-même le prolongement de la vie de ces morts, car elle vibre dans leur survivance. Loin de toute visée factuelle, son témoignage est une promesse d’engagement à l’égard des multiples présences qui l’habitent. Ses souvenirs, apparemment vidés de toute représentation événementielle, découlent d’une nouvelle forme de mémoire, elle aussi paradoxale: la mémoire de l’intervalle, de l’éloignement. Une mémoire imprégnée des effets du génocide, de ses répercussions résonnant encore dans la conscience collective. Mais alors, que peut-elle bien nous transmettre? Afin de répondre à cette interrogation, un détour par d’autres œuvres de Louise Dupré s’impose.

Réveiller une douleur universelle

“On est dans une civilisation du plaisir, mais d’une sorte de plaisir qui est, paradoxalement, un plaisir coupé du corps. Un plaisir de la consommation. Un plaisir qui est une anesthésie de la souffrance” remarque Louise Dupré dans sa conversation avec Brigitte Haentjens qui clôt le texte pour le théâtre Tout comme elle (91). L’auteure poursuit ainsi: “Si on ne peut pas éprouver de douleur, on n’est pas capable de ressentir ses propres émotions, ses affects. Quand on ne peut plus ressentir la douleur, on n’est plus capable d’être en contact avec soi-même” (91–92). En d’autres termes, notre civilisation serait constituée d’“analphabètes des émotions,” comme l’écrivait Günther Anders dans Nous, fils d’Eichmann (58). Alors, face à cette ignorance qui menace le nous contemporain, le je lyrique du recueil Plus haut que les flammes décide de marcher “entre les murs déformés / de la douleur” (74). Marcher dans la douleur, marcher à côté de ce “cancer / qui ronge / jusqu’à la défaite dernière” (51). Poursuivre courageusement dans la douleur, sans limites, jusqu’au point de la pleurer, de l’aimer (96) de la bercer “telle une fièvre / qu’il faut soigner / avant qu’elle ne t’emporte” (95). Loin du solipsisme, cette déambulation heuristique prend forme dans une écriture qui se fait à partir de soi, mais qui ne s’empêche pas de réfléchir à l’Autre. Les mots de Louise Dupré à ce sujet sont tout à fait significatifs: “je trouve [End Page 25] que tout est autobiographique, si on considère comme autobiographique notre rapport au monde, les gens qu’on rencontre, les confidences. Ce qu’on voit à la télévision, les livres qu’on lit, et . . .” (Tout comme elle 85–86). Toutefois, il convient de rappeler que la réflexion relative à cette relation perméable entre la subjectivité et l’altérité, relation plutôt intimiste qu’autobiographique, préexiste à l’écriture de Plus haut que les flammes. En effet, la prise de conscience que chaque individu, dans sa profonde intimité, ressent l’appel de l’Autre traverse la pensée poétique de l’écrivaine et ce depuis le tout début de son écriture. Par exemple, le recueil La Peau familière de 1983 met en scène une femme qui, plongée dans l’univers domestique des gestes quotidiens (sortir la nappe, dresser la table) et entourée par des figures féminines (sa fille et sa mère), est interpellée par les images d’enfer de Sabra et Chatila transmises par la télévision. Or, les mêmes gestes lient la femme d’ici à celles d’ailleurs; le même désespoir de l’urgence arme leurs actions. La douleur, cet avoir mal dans la chair de l’autre, imprègne également les pages des recueils Bonheur, Noir déjà et Tout près.

Voici quelques vers tirés de Bonheur:

Il s’agit de durer, mais l’haleine nous ploie sur les fosses communes. Au coucher, nousreste-t-ilencore quelques dents pour la mémoire, un peu d’audace de sable mouillé?

(55)

L’injonction de résister ne suffit pas à détourner ce nous, allégé de toute marque sexuelle, des fosses communes. À la première lecture, à ces bouches édentées correspondrait peut-être un manque d’énergie pour croquer dans la vie ou dans la mémoire. Néanmoins, j’y vois autre chose. La syntaxe régulière, frôlant le constat, débouche sur une interrogation révélatrice: les bouches édentées, caractérisant les crânes en décomposition, connotent, dans ce cas, les vivants. En d’autres mots, les termes s’inversent et ceux qui vivent semblent “encombrés de cadavres” (Tout près 33).

Nous avons vu que dans Plus haut que les flammes les morts, privés de sépulture, étaient portés et bercés par le je lyrique jusqu’à la fin de ses jours. Cette femme, qui traîne avec elle les fautes et la folie du monde, assume la responsabilité d’appartenir à une “espèce prête à tuer” (69). Ceci dit, nous avons constaté qu’elle ne s’appropriait pas nécessairement la cruauté tout court. En fait, sa posture vacille entre l’appartenance à une race de tueurs et le lien profond qui se tisse avec les victimes, lien mis en valeur par les vers suivants: [End Page 26]

et devant le miroir tu baisses tes paupières de louve

grugeant chaque jour les barreaux de sa captivité captive, tu l’es de ces yeux vides

qui lancent sur toi un regard sans pitié

comme si tu étais condamnée à mourir

entre les bras de tous les mourants

(51–52).

Comment accepter cette dyade bourreau/victime qui loge dans les tréfonds d’un même sujet? Serait-il suffisant d’adhérer à la notion si problématique de consubstantialité du mal et du bien? Ou faudrait-il que le sujet dépasse ses limites identitaires pour atteindre le paradoxe extrême de “vivre parmi les cadavres” (73)? Ces quelques vers de Tout près sont éclairants:

Voilà d’où tu viens d’une fosse commune dont tu essaies de recueillir quelques bruits

(76).

Cette provenance d’une fosse anonyme demeure le moyen de transcender la dichotomie entre le bien et le mal. Faire corps avec les cadavres tout en étant encore vivante, avoir une crypte en soi et devenir le réceptacle de cet Autre anonyme qui, du plus intime, inscrit une appartenance commune dans la chair du sujet. Car la douleur prend corps, ou mieux, prend le corps du sujet, s’y incarne indéfectiblement, s’approprie la “chair inconsolable” (Plus haut que les flammes 92) et, comme une double peau, la revêt pour toujours.

[T]oi, ton corps de douleur tu l’as revêtu un jour nonchalant

sans savoir qu’il n’allait plus te quitter

(50) [End Page 27]

écrit le je qui parvient à identifier l’origine précise de cette douleur. Avant c’était le temps de l’enfance, de l’insouciance légère. Ensuite, observe le tu, une “fissure presque invisible” s’est ouverte

dans la muraille du jour

qui s’est peu à peu élargie jusqu’à ce que l’enfer te trouve

(49).

Et depuis ce temps-là, tout recours est impossible, toute retraite inimaginable. Puisque selon le tu lyrique, la douleur

ne prend pitié de personne, la douleur elle t’a forcée à errer les yeux crevés, l’âme crevée

(65).

La signification du participe passé “crevé,” renforcée par la réitération, renvoie en premier lieu à une action brutale, celle qui implique le geste de percer violemment. Cependant “crever” réfère également, et cette fois-ci d’un point de vue passif, à l’action de s’ouvrir sous l’effet d’une pression excessive. Le sujet à l’âme éreintée et aux yeux privés de lumière, errera alors dans les rues du monde. N’oublions pas que c’est par le biais de l’absence de vision, ou par le court-circuit de la vision, que la douleur se manifeste et que, pour cette femme, l’errance ne correspond pas à une désorientation, mais qu’elle s’avère bien au contraire heuristique.

Or, il serait illusoire de réduire cette coexistence entre le sujet et la douleur à une dynamique facilement explicable. En effet, s’il est évident que c’est l’irruption de l’enfer dans le noyau identitaire du sujet qui constitue la source première de la douleur, il est tout aussi évident, si nous nous fions au poème, qu’une telle souf-france préexiste à cette incursion, probablement d’une façon latente. Le sujet, en s’adressant toujours au tu autoréférentiel, affirme:

elle est très vieille ta douleur

elle vient du silence des continents noyés

comme ces navires qu’on croyait perdus dans l’abîme

quand la Terre était aussi plate qu’une monnaie

(63). [End Page 28]

Que faudrait-il inférer de ces vers? Qu’il s’agit d’une douleur ancestrale précédant la naissance de l’individu ainsi que celle des continents? Et si c’était éventuellement le cas, est-ce que nous la portons tous et toutes comme un legs gravé dans le plus intime de nos fibres?5 Ou serait-elle la prérogative d’un certain nombre de personnes? Et pour les éventuels dépositaires de cette douleur, quand se conscientiserait-elle? Dans le cas de Plus haut que les flammes, la réponse à cette dernière interrogation émerge du texte, alors que la femme constate que tout a commencé lorsque l’enfer l’a trouvée. Cependant, les autres questions restent ouvertes et j’assume ici pleinement ce que Mario Lavagetto appelle l’obsession du critique qui, face à l’œuvre, “vient et revient opiniâtrement sur les mêmes points, en se posant les mêmes questions et en essayant de les aborder de points de vue différents” (66–67, ma traduction). Ce sont des “lances plantées dans la chair,” des interrogations sans réponse qui pourtant ne se laissent pas éluder.

Je reviens alors à la question de départ: mais que peut transmettre le témoin in absentia de Plus haut que les flammes? Et comment peut-il le faire? Il y a certainement ces mots justes et dépouillés, ces mots qui en guise d’invocation adressée au lecteur réveillent en lui l’éthique de la responsabilité. Des mots qui, ouvrant une faille dans sa conscience, l’entraînent à plonger dans sa douleur assoupie. Car c’est par le biais de ce sentiment qu’il pourra notamment ressentir l’appel de l’Autre. Comme Catherine Coquio l’écrit, “[l]e génocide est à la fois un événement historique à interpréter et un événement de conscience qui touche à l’intimité—corps et langage—de chacun” (614). En réalité, pour que l’invocation au lecteur soit accueillie, le je lyrique doit s’exposer. Le dénuement et l’acceptation de soi, comme terme premier de sa quête, amènent cette femme à la reconnaissance qu’il n’existe pas de réponses face à la douleur, mais que le questionnement du réel demeure capital au sein de sa démarche. Toutefois, le corps-poème ne cède pas au repliement doloriste, car il est irradié en permanence par la prégnance du langage poétique. La force vivifiante des mots, les différentes modulations du rythme, la sage utilisation des figures rhétoriques et des effets de style, ainsi que le travail opéré patiemment sur la frugalité du vers, suscitent une multitude d’émotions se renouvelant à chaque lecture. Dans un jeu d’écoute, une coénonciation s’établit au sein du recueil, entre l’énonciateur et le récepteur. Ce processus engendre un dire poreux qui se heurte constamment à une existence voisinant avec la précarité, l’arbitraire et l’impondérable de la condition humaine. Il s’agit d’un dire qui accepte l’échec possible de la raison, qui en fait une force et un espoir, qui entre en consonance avec la faille, la disjonction, le désemparement. En fait, dans cette forme de communication, le langage n’a pas pour fonction de transmettre des contenus, mais d’approcher le pro-chain, en d’autres termes, pour citer Levinas, de lui “bailler signifiance” (61). [End Page 29]

Nicoletta Dolce
Université de Montréal
Nicoletta Dolce

nicoletta dolce enseigne au Département de littératures et de langues modernes de l’Université de Montréal. Elle est chercheure associée au Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (crilcq). Ses recherches actuelles portent sur la poésie québécoise, haïtienne et italienne des vingtième et vingt et unième siècles. Parallèlement, elle s’intéresse à la problématique de la mémoire et à la question du témoin in absentia. Elle a publié des essais et des articles dans divers collectifs au Canada et à l’étranger. Son livre La Porosité au monde: L’Écriture de l’intime chez Louise Warren et Paul Chamberland, (Éditions Nota bene) a été finaliste au prix Gabrielle-Roy 2012.

Ouvrages cités

Agamben, Giorgio. Ce qui reste d’Auschwitz. Paris: Payot & Rivages, 1999. Imprimé.
Anders, Günther. Nous, fils d’Eichmann. Paris: Payot & Rivages, 2003. Imprimé.
Chamberland, Paul. En nouvelle barbarie. Montréal: L’Hexagone, 1999. Imprimé.
Coquio, Catherine. “Parler au camp, parler des camps. Hurbinek à Babel.” Parler des camps, penser le génocide. Coord. Catherine Coquio. Paris: Albin Michel, 1999. 609–48. Imprimé.
Derrida, Jacques. Demeure. Paris: Galilée, 1998. Imprimé.
———. “Poétique et politique du témoignage.” Cahiers de L’Herne “Jacques Derrida.” Coord. Marie-Louise Mallet et Ginette Michaud. Paris: Éditions de l’Herne, 2004. 521–39. Imprimé.
———. Spectres de Marx. Paris: Galilée, 1993. Imprimé.
Dolce, Nicoletta. La Porosité au monde. L’Écriture de l’intime chez Louise Warren et Paul Chamberland. Québec: Éditions Nota bene, 2012. Imprimé.
———. “Territoires occupés de Christiane Frenette: Le Courage et l’aporie de témoigner dans les rues du monde.” Responsibility to Protect/La Responsabilité de protéger. Coord. Ursula Mathis-Moser. Innsbruck: Innsbruck UP, 2012. 307–13. Imprimé.
Dupré, Louise. Bonheur. Montréal: Éditions du remue-ménage, 1988. Imprimé.
———. “Denise Desautels: La pensée du poème.” Études Françaises 29.3 (hiver 1993): 41–50. Imprimé.
———. Plus haut que les flammes. Montréal: Éditions du Noroît, 2011. Imprimé.
———. Tout comme elle. Montréal: Québec-Amérique, 2006. Imprimé.
———. Tout près. Saint-Hippolyte: Éditions du Noroît, 1998. Imprimé.
———. Une Écharde sous ton ongle. Saint-Hippolyte: Éditions du Noroît, 2004. Imprimé.
Hirsch, Marianne. Family Frames. Photography Narrative and Post-memory. Cambridge: Harvard UP, 1997. Print.
Lanzmann, Claude. “Holocauste, la représentation impossible.” Le Monde (jeudi 3 mars 1994): 7. Web. 15 mai 2015.
———. “Ne pas comprendre a été ma loi d’airain.” Le Monde (jeudi 12 juin 1997): 27. Web. 15 mai 2015.
Lavagetto, Mario. Eutanasia della critica. Torino: Einaudi, 2005. Imprimé.
Levinas, Emmanuel. Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. Paris: Le Livre de poche, 2004. Imprimé.
Mesnard, Philippe. “Approches critiques à propos de trois notions fortes des études sur le témoignage.” Des Témoins aux héritiers. L’Écriture de la Shoah et la culture européenne. Coord. Luba Jurgenson et Alexandre Prstojevic. Paris: Éditions petra, 2012. 52–84. Imprimé.
Nouss, Alexis. “Parole sans voix.” Dire l’événement, est-ce possible? Coord. Gad Soussana, Jacques Derrida et Alexis Nouss. Paris: L’Harmattan, 2001. 41–78. Imprimé.
———. “Irrévocable témoignage. À propos de Paul Celan.” Témoignage et écriture de l’histoire. Coord. Jean-François Chiantaretto et Régine Robin. Paris: L’Harmattan, 2003. 319–32. Imprimé.
Ouellet, Pierre. “Du témoignage à l’âge de la fiction.” Des Témoins aux héritiers. L’Écriture de [End Page 30] la Shoah et la culture européenne. Coord. Luba Jurgenson et Alexandre Prstojevic. Paris: Éditions petra, 2012. 220–39. Imprimé.
Parrau, Alain. Écrire les camps. Paris: Belin, 1995. Imprimé.
Ricœur, Paul. La Mémoire, l’histoire, l’oubli. Paris: Éditions du Seuil, 2000. Imprimé.
Robin, Régine. “Entre témoin et héritier: Une certaine inquiétude.” Des Témoins aux héritiers. L’Écriture de la Shoah et la culture européenne. Coord. Luba Jurgenson et Alexandre Prstojevic. Paris: Éditions petra, 2012. 183–98. Imprimé.
———. La Mémoire saturée. Paris: Stock, 2003. Imprimé.
Traverso, Enzo. “Mémoire de la lumière: L’héritage de Primo Levi.” Transmettre et témoigner. Les Effets de la violence politique sur les générations. Hommage à Primo Levi. Coord. Armando Cote et Beatrice Patsalides. Paris: L’Harmattan, 2008.17–47. Imprimé. [End Page 31]

Footnotes

1. Dans les œuvres de Robert Antelme et de Varlam Chalamov, cette perspective est bouleversée. En fait, si pour Levi et Soljenitsyne la vérité était soustraite à tout témoignage car ceux qui la détenaient avaient disparu, pour ces deux auteurs la vérité des camps ne réside pas seulement dans la destruction opérée, mais également dans le processus de la destruction. Voir les pages éclairantes qu’Alain Parrau a consacrées à ce sujet dans son œuvre Écrire les camps et surtout le chapitre “Témoin et survivant.”

2. “[. . .] il faut rester en contact avec soi, jusqu’à l’indécence parfois, quitte à travestir le vécu, à le dé-placer” (43), avance Louise Dupré dans son texte “Denise Desautels: La pensée du poème.”

3. Enzo Traverso, dans son article “Mémoire de la lumière: L’héritage de Primo Levi,” commente l’attitude de Levi au sujet de l’indicible en ces termes: “Levi n’aimait pas la surabondance des formules rhétoriques employées pour parler des caractéristiques indicibles, incompréhensibles et incommunicables de l’Holocauste. L’idée qu’il existerait une impossibilité normative à comprendre Auschwitz lui parut toujours une forme d’obscurantisme. Bien entendu, il ne prétendit pas non plus détenir les clés pour comprendre Auschwitz; il revendiqua seulement son besoin personnel de tenter de comprendre et son devoir civique” (36). Par contre, Claude Lanzmann, dans Le Monde, soutenait exactement le contraire: “Face à la Shoah, il y a une obscénité du projet de comprendre. Ne pas comprendre a été ma loi d’airain” (27).

4. Dans le sens de commun aux êtres humains.

5. En voici le seul indice trouvé: “cette douleur / que tu n’as jamais / su où loger / en toi / sinon en une faute naissant à chaque naissance / comme un appel surgissant de la terre ancestrale” (Plus haut que les flammes 92).

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