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  • À l’arrière du front. Le Gard, un département mobilisé, 1914-1919 by Raymond Huard
  • Yann Lagadec
Raymond HUARD.– À l’arrière du front. Le Gard, un département mobilisé, 1914-1919, Uzès, Inclinaison, 2011, 176 pages.

Ce sont des sentiments ambivalents que ressent le lecteur à la découverte, page après page, du riche ouvrage de Raymond Huard, à qui l’on doit, entre autres, les remarqués La naissance du parti politique en France (Presses de Sciences Po, 1996) et Le suffrage universel en France, 1848-1946 (Aubier, 1991).

L’on ne peut tout d’abord que se réjouir de la publication d’une nouvelle monographie sur l’un de ces départements qui, bien qu’éloignés du front et des combats, se trouvent profondément affectés par la Grande Guerre. Rares sont en effet les études de ce type, compliquant d’ailleurs souvent la mise en perspective des résultats obtenus dans tel département du Sud-Ouest ou du centre de la France. Le tableau très précis que livre l’auteur du département du Gard est de ce point de vue le bienvenu, abordant chacun – ou presque – des grands thèmes que l’on était en droit d’attendre d’une telle étude.

Après un premier chapitre consacré au Gard en 1914, R. Huard évoque « l’entrée en guerre » dans ce département républicain et socialiste. L’opinion y apparaît « résignée, rarement enthousiaste », comme ailleurs en France finalement. Si l’on peut regretter les trop rares passages évoquant la mise sur pied de guerre des régiments d’active, de réserve et territoriaux du département ou leurs premiers combats, ce deuxième chapitre rappelle avec bonheur, entre autres, la mobilisation de l’école dès la rentrée 1914 : « la guerre investit l’école de toutes parts » conclut notamment l’auteur (p. 42).

Les trois chapitres suivants évoquent, sous de multiples angles, la manière dont cette guerre qui dure est vécue dans cet arrière méditerranéen, globalement de plus en plus mal. L’économie gardoise souffre en effet de la mobilisation d’une partie de la main-d’œuvre. L’industrie est inégalement touchée, certaines branches, comme la métallurgie, les mines, les secteurs de la mécanique ou la chimie, se trouvant dynamisées, bénéficiant d’ailleurs de l’arrivée de réfugiés ou d’une main-d’œuvre d’origine étrangère. De manière significative, c’est dans le bassin minier d’Alès que se concentrent près de 40 % de ces réfugiés de Belgique ou du Nord de la France arrivés dans le Gard à la fin de l’été 1914. La situation de l’agriculture est plus difficile : les surfaces emblavées passent par exemple de 35 000 hectares avant-guerre à 25 000 seulement. Et si les prix offerts aux cultivateurs sont en général satisfaisants, la pénurie frappe le Gard – comme nombre d’autres départements – en 1917-1918. Le secteur viticole semble moins touché : si la vendange de 1915 est « désastreuse » (p. 68), celles des années suivantes, portées par des prix en nette hausse, permettent à la viticulture gardoise de traverser la guerre sans trop de difficultés. Plus que la production en fait, ce sont le stockage et le transport des vins qui – comme dans les départements voisins, l’Hérault notamment–, constituent le principal problème. Dans ces conditions, les tensions sociales et politiques prennent peu à peu plus [End Page 157] de place dans la vie locale, jusqu’aux grèves qui touchent le Gard en 1917-1918. Cependant, toutes les catégories ne souffrent pas de la même manière du conflit, comme le souligne l’auteur. En 1917, un professeur du lycée de Nîmes constate la démocratisation de la mode, qui concerne jusqu’aux « modestes employées » et « petites ouvrières », désormais « vêtues journellement d’étoffes claires et transparentes », alors que ces tenues étaient, jusqu’alors, réservées aux « femmes de la bourgeoisie...

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