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  • Une enfance provençale au temps de la Première Guerre mondiale. Vidauban dans la mémoire d’un historien by Henri Michel
  • Antoine Prost
Henri MICHEL.– Une enfance provençale au temps de la Première Guerre mondiale. Vidauban dans la mémoire d’un historien, Forcalquier, C’est-à-dire éditions, 2012, 416 pages.

Ce livre est un peu long, mais c’est un vrai régal. Il doit prendre place, à côté de Mon village de Roger Thabault, de La vie d’un simple d’Émile Guillaumin et d’Un village du Vaucluse de Laurence Wylie, parmi les meilleures analyses de la société rurale du passé.

On ne présentera pas Henri Michel : le résistant qui anima le Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale et le premier historien de la Résistance. Il a laissé une œuvre considérable que rappelle Jean-Marie Guillon dans sa présentation. À la fin de sa vie, il entreprit de raconter l’histoire de son village à partir de ses souvenirs d’enfance. C’est ce manuscrit qui est ici publié, vingt-six ans après sa mort. Il est centré sur la période de la Grande Guerre et s’organise en trois parties : l’avant-guerre – Henri Michel avait neuf ans lorsqu’elle éclata–, puis le village pendant la guerre et les transformations de l’après-guerre. L’auteur avoue une tendresse nostalgique pour son village : « Oui, il était beau, et j’y étais heureux » sont ses derniers mots. Mais il ne faut pas s’y tromper, l’historien ne cesse jamais de faire son métier et il veille à maintenir une distance critique envers son propre témoignage ; il organise son récit selon la logique de l’explication et non de l’émotion. La rigueur, la finesse, la pertinence de son regard, la qualité de l’écriture font la richesse et l’intérêt de ces souvenirs. En fait, plus que d’un témoignage, il s’agit ici d’une observation participante comme la pratiquent les ethnologues.

H. Michel en appelle à l’imagination pour comprendre, par différence avec le présent, ce qu’était ce village, Vidauban, à la veille de la guerre : « Il est difficile d’imaginer aujourd’hui la vie d’un village dans lequel il n’y a pas de télévision, pas de radio, pas de cinéma, pratiquement pas de téléphone, sauf à la poste et à la mairie ; où recevoir une lettre est un événement, et un télégramme donne au coup au cœur » (p. 34). Ce qui l’intéresse, c’est en effet la vie des gens : celle des familles, avec leurs pratiques quotidiennes, leur répartition des rôles. La sienne est un peu particulière. [End Page 155] Son père est vigneron, la viticulture étant l’activité principale de Vidauban, mais sa mère tient commerce de tissus et vêtements, ce qui lui donne une autonomie relative. La société villageoise est un réseau de familles qui toutes se connaissent et intériorisent leurs positions respectives dans une hiérarchie fine, où les distinctions d’origine croisent celles de fortune ou de rang social, sans affecter pourtant l’existence d’une communauté à forte identité. Le village était alors fermé sur lui-même : pour se rendre à Draguignan, une quinzaine de kilomètres au Nord, il fallait prendre la diligence et monter à pied les côtes les plus dures ; Toulon, Nice ou Marseille, étaient les destinations des voyages de noce les plus audacieux. H. Michel nous fait visiter les lieux privilégiés du village : l’atelier du maréchal-ferrant, la coopérative, son fonctionnement et les raisons de son succès, les cafés et leurs clientèles bien distinctes, leurs fonctions sociales, leur rôle dans la structuration d’une sociabilité masculine où l’on entre à quinze ans. Il analyse les rituels, les fêtes, les chants, avec un morceau de bravoure plein de finesse et d’humour : le jeu de boules, mais aussi le football.

Les parents de notre historien se laissèrent convaincre par l’instituteur de présenter...

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