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Reviewed by:
  • Gaëtan Picon (1915–1976): Esthétique et culture by Agnès Callu
  • Franck Dalmas
Agnès Callu. Gaëtan Picon (1915–1976): Esthétique et culture (Paris : Honoré Champion, 2011). Pp. 714.

Gaëtan Picon fut le pénétrant exégète de Balzac, Bernanos, des peintres Ingres et Dubuffet, ainsi que de Malraux qu’il suivit aux Affaires culturelles en 1959. Cette biographie s’ouvre sur un « essai de portrait » suivi de quatre parties présentant les époques marquantes de sa carrière. C’est néanmoins un véritable livre de théorie esthétique qui envisage de « tracer les contours d’[une] trajectoire intellectuelle » (16). Le développement de Callu est étoilé, tissé dans les méandres d’un esprit duel et symbiotique. Son abord original du « geste créateur », des allures du MOI et les AUTRES, mêle une vision phénoménologique à l’historicité d’usage.

Révélateur est l’éveil politique de Picon, autour de la Deuxième Guerre mondiale. Dans un jeune essai, La vérité et les mythes (posth. 1979), il expose des thèses civilisatrices sur la vérité du littéraire et les mythes des idéologies. Sa compréhension d’une littérature engagée prend ici tout son sens. Callu argüe qu’il sait « servir l’œuvre des AUTRES sans jamais trahir l’intuition introspective née aux tréfonds du MOI » (268). L’acte créateur (de l’écrivain comme du sien) se passe en dehors d’une existence et se recompose ensuite dans l’objet littéraire : « pour créer », écrit Picon, « il faut ne pas vivre. Pour que Balzac écrive La comédie humaine, il lui faut s’arracher à ce que les autres appellent vie, entrer vivant dans cette absence de vie » (294). Pour être dans la continuité, L’écrivain et son ombre (1953) défend une esthétique qui « accompagne [l’œuvre] comme une ombre » (303). La critique piconienne s’éclaire par son parcours : à cause d’une déculturation ressentie dans sa fonction d’enseignant du secondaire, il s’extériorise dans une vocation de « lecteur écrivant » que certains postes à l’étranger (Beyrouth, Florence, Gand) ouvriront à la voie royale.

La deuxième moitié de l’ouvrage diffuse quelques enjeux de la culture du XXe siècle sous le prisme piconien. De 1959 à 1966, Picon est Directeur général des Arts et Lettres dans le ministère Malraux. Nous traversons l’aventure des Maisons de la Culture, ses appuis au projet du musée Beaubourg et à l’art contemporain ; souvent à la lumière de tracasseries administratives mal vécues de lui. Parallèlement et après sa démission, Picon diversifie ses activités critiques. Mais son MOI internalisé—dans le mouvement de l’Histoire—s’achoppe à la conflagration de Mai 68, dès lors que ne sont plus « reines les difficiles explications littéraires et artistiques » (517). Sa vie durant, la critique fut un pis-aller à une impasse de romancier, « traîn[ant], comme un fantôme, la culpabilité d’un livre jamais écrit » (622). Ultime « geste créateur » qu’il accomplira toutefois en 1968 (Un champ de solitude) et 1970 (L’œil double).

Les faits d’existence sont appuyés par les correspondances et témoignages de première main. À noter la postface synthétique de l’ami Yves Bonnefoy. On déplore cependant, pour certaines polémiques politico-esthétiques (« Manifeste des 121 », exposition « 72/72 »), la pleine connaissance assumée par l’auteur sans restituer au lecteur les incidents et argumentaires. L’exhaustivité des renvois bibliographiques en bas de pages requiert une lecture exigeante. C’est un livre savant qui retrace un cheminement intellectuel et culturel majeur, tout entier consacré à l’exercice critique. [End Page 143]

Franck Dalmas
Stony Brook University (New York)
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