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  • Du Bonheur: Un Voyage philosophique by Frédéric Lenoir
  • Bruno Thibault
Lenoir, Frédéric. Du Bonheur: Un Voyage philosophique. Paris: Fayard, 2013. isbn 9782213661360. 225p.

Frédéric Lenoir, romancier et essayiste, est l’un des grands spécialistes de l’histoire des religions en France et il a publié une dizaine d’ouvrages qui font référence, notamment Les Métamorphoses de Dieu (Paris: Hachette, 2005), [End Page 241] couronné par le prix européen des écrivains de langue française, et Petit traité d’histoire des religions (Paris: Plon, 2008). En ces temps de morosité, on ne saurait trop recommander son dernier ouvrage: Du Bonheur: Un Voyage philosophique. D’emblée, la perspective chrétienne est évacuée de cet essai puisque pour le croyant “le vrai bonheur ne peut se trouver que dans l’au-delà” (13). Dans les premiers chapitres, l’auteur se tourne donc vers les Anciens. “Il faut méditer sur ce qui procure le bonheur,” souligne Épicure au troisième siècle avant notre ère, “puisque, lui présent, nous avons tout, et lui absent, nous faisons tout pour l’avoir” (18). Lenoir étudie comment s’articulent l’hêdonê (la recherche du plaisir) et l’eudaimonia (le recherche du bonheur) chez Épicure et chez Aristote, malgré leurs divergences métaphysiques profondes. Pour ces deux philosophes, il s’agit de trouver “un juste équilibre des plaisirs” (35) et donc “tous les excès sont à éviter: tant l’ascétisme que la débauche” (35). En revanche, les stoïciens comme Épictète mettent l’accent sur l’ascèse, l’effort pour se libérer des passions. Pour eux, le détachement du monde permet l’accès à une sorte de “citadelle intérieure” (47) qui n’est autre que la sérénité. Mais cette sérénité-là est-elle la même chose que le bonheur?

Lenoir propose aussi dans ces chapitres liminaires un survol de l’idée de bonheur dans le monde occidental. Il note qu’au siècle des Lumières le nombre de traités consacrés à ce sujet se multiplie car “la poursuite du bonheur se démocratise et accompagne la soif collective de progrès des sociétés” (13). Cette poursuite du bonheur est même inscrite au nombre des droits fondamentaux de l’homme et du citoyen dans la Déclaration d’indépendance américaine de 1776. Cependant, dès le siècle suivant, à mesure que le progrès social s’étend dans les sociétés industrielles, une critique de la quête du bonheur se développe aussi. Qu’est-ce que le “mal du siècle” romantique, ou le “spleen” symboliste, si ce n’est une critique du souci bourgeois du confort? C’est l’époque où Flaubert écrit à Louise Colet: “Être bête, égoïste et avoir une bonne santé: voilà les trois conditions voulues pour être heureux. Mais si la première vous manque, tout est perdu” (14). Le marxisme, avec sa critique de l’exploitation et de l’aliénation des masses, ou encore le freudisme qui envisage le bonheur comme un état fugitif et un phénomène pulsionnel, ont ensuite relégué la poursuite du bonheur “au rang des utopies désuètes” (14). Mais dans la seconde moitié du vingtième siècle, suite à la faillite des grands récits de légitimation (Lyotard) qui intimaient à l’individu de lier son sort au devenir collectif, la question du bonheur individuel refait surface, d’abord dans les années 1960, aux États-Unis, au sein du mouvement de la contre-culture; puis vingt ans plus tard, en Europe et particulièrement en France, où un nouvel intérêt pour la philosophie envisagée comme sagesse se manifeste soudain. “Quelques philosophes osent reposer et repenser la question du bonheur: Pierre Hadot, Marcel Conche, Robert Misrahi ou encore André Comte-Sponville, Michel Onfray et Luc Ferry” (15). [End Page 242]

On peut reprocher ici à Frédéric Lenoir d’aller un peu vite en besogne et d’oublier par exemple les Propos sur le bonheur d’Alain, dont la...

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