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  • Les Écrivains maghrébins francophones et l’Islam—Constance dans la diversité
  • Alexandra Gueydan-Turek
Redouane, Najib, coord. Les Écrivains maghrébins francophones et l’Islam—Constance dans la diversité. Paris: L’Harmattan, 2013. isbn 9782343017204. 460p.

L’islam, sujet ô combien épineux en France comme aux États-Unis, fait l’objet d’un regain d’intérêt dans les études littéraires. Thème polémique s’il en est, le traitement de l’islam occupe une place privilégiée dans la production romanesque maghrébine dont il façonne l’imaginaire. Cependant, les ouvrages critiques sur le sujet ont souvent privilégié un corpus restreint qui n’illustre ni l’ampleur ni la richesse de ses traitements. Dans cet ouvrage qui deviendra sûrement référence en la matière, Najib Redouane se donne pour finalité de prendre la mesure des multiples variations sur ce thème dans les œuvres maghrébines francophones. Rassemblées autour d’un avant-propos remarquable sur l’histoire du traitement du motif religieux dans le champ littéraire au Maghreb, vingtquatre contributions examinent sous des éclairages variés un corpus élargi qui comprend des auteur(e)s venu(e)s d’Algérie, du Maroc et de Tunisie.

La contribution initiale de Redouane à l’avant-propos est à la fois pertinente par son parti pris de dépasser une vision monolithique de l’islam, et bien documentée dans le parcours critique que l’auteur ébauche. S’inscrivant dans la continuité de travaux réalisés en Europe, au Maghreb et aux États-Unis, Redouane fournit au lecteur une vision diachronique de la démarche intellectuelle ayant présidé à l’étude du fait islamique dans la littérature: du Sentiment [End Page 234] religieux dans la littérature maghrébine de langue française (1986) de Jean Déjeux à The Star, the Cross, and the Crescent: Religions and Conflicts in Franco-phone Literature from the Arab World (2010) de Carine Bourget, en passant par l’ouvrage moins connu de Rachid Mokhtari La Graphie de l’horreur (2002). En abordant la présence du religieux dans le fait littéraire maghrébin, Redouane insiste sur la nécessité d’étudier la culture islamique dans ses itérations et ses déclinaisons pour sortir de l’équation erronée qui lie l’islam à l’intégrisme. Il nous invite entre autres à considérer le travail audacieux de Driss Chraïbi qui conteste violemment une pensée religieuse figée par la tradition dans Le Passé simple (1954), la fiction historique qu’entreprend Assia Djebar dans Loin de Médine (1991) lorsqu’elle crée une exégèse féminine de l’histoire islamique en redonnant la parole à des héroïnes musulmanes légendaires ou réelles, ou encore la démarche personnelle de Tahar Ben Jelloun et Abdelwahab Meddeb qui condamnent les attentats du 11 septembre tout en soulignant le dévoiement du fondamentalisme loin de l’islam réformiste de leurs pères.

En regroupant les vingt-quatre contributions par thèmes, nous espérons mettre en valeur les traitements communs et établir des parallèles entre les différentes œuvres analysées, ce que l’absence de structure du volume original ne permettait pas d’accomplir facilement.

Commençons par la question du statut de la femme. La première étude de Patrick Saveau examine le roman peu connu de la Marocaine Saphia Azzedine, Confidences à Allah (2008), dont la narratrice revendique une manière toute personnelle et féminine d’exprimer sa foi, loin du fait religieux dominé par le masculin et de l’islam rigoriste où la femme n’a pas sa place. Dans une analyse judicieuse de Je dénonce! de Rachida Yacoubi, Safoi Babana-Hampton aborde la dimension subversive de l’écriture de soi par les auteures marocaines (chapitre 23). Chez Yacoubi, dont l’entreprise narrative ne peut être réduite à la littérature carcérale, le récit introspectif coïncide avec l’appropriation stratégique de la tradition soufie, de sorte que la construction d’une nouvelle société pour laquelle œuvre le récit se fait à travers une pensée mystique...

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