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Reviewed by:
  • Literature, Geography, and the Postmodern Poetics of Place by Eric Prieto
  • Jean-François Duclos
Literature, Geography, and the Postmodern Poetics of Place. By Eric Prieto. New York: Palgrave Macmillan, 2013. 235 pp.

L’urbanisme, l’architecture, la sociologie, la philosophie et les sciences cognitives peuvent être tour à tour ou concurremment sollicitées pour rendre compte de l’importance, dans la littérature et le cinéma, de la notion de lieu, définie dans sa plus simple expression comme l’espace d’une expérience. Dans ce large arc conceptuel, où la phénoménologie d’Heidegger est susceptible de croiser une approche quantitative de la géographie, ou Patrick Chamoiseau de croiser Yuri Gagarine, l’ouvrage d’Eric Prieto ne place aucune marque d’exclusivité. Son ambition, qu’il identifie en conclusion comme le résultat d’une évolution personnelle et intellectuelle, consiste à organiser une réflexion qui rende possible — et le plus fertile possible — le côtoiement d’un grand nombre d’œuvres et d’idées relatives à l’analyse de la représentation des espaces géographiques. La notion d’entre-deux, qui traverse l’ouvrage, permet d’évaluer la force des interstices et la puissance des mises en réseau. Pour ce faire, trois formes de perception spatiales sont distinguées. La première propose une lecture phénoménologique du lieu. Il s’agit, selon une expression heureuse de l’auteur, d’‘exfolier’ (p. 25) le rapport trop souvent convoqué entre le sujet et son environnement pour rendre compte d’un réseau complexe d’éléments subjectifs au sein duquel vient s’incarner temporairement une présence au monde. Les lieux dans l’œuvre de Beckett font, dans ce cadre, l’objet d’une analyse pertinente à travers la présence dynamique de la voix. Prieto cherche en particulier à découvrir dans la seconde partie de l’œuvre de l’écrivain franco-irlandais les tentatives de revenir de l’impasse où l’a mené sa critique radicale du cartésianisme. Dans un deuxième temps, Prieto envisage, selon une perspective informée principalement par Foucault, Blanchot et Certeau (trois auteurs complémentaires mais aux approches très différentes), [End Page 275] d’identifier l’expérience du lieu comme structure. Cette analyse appliquée à un corpus littéraire et cinématographique de récits beurs donne de l’espace une vision dynamique ou l’individu tente, souvent avec ingéniosité, de se rendre maître de son séjour. Elle s’intéresse particulièrement aux tactiques individuelles de contournement, faisant de la banlieue l’espace d’expérimentations culturelles et sociales. Enfin, la perspective postcoloniale s’applique à décrire les enjeux politiques appliqués aux espaces marqués par une domination historique, comme c’est le cas des Antilles françaises. Un tel geste méthodologique de compartimentation, aussi nécessaire soit-il, trouverait rapidement ses limites, celles-là mêmes que s’attache à démystifier la géo-critique. Prieto envisage au contraire de tracer des parcours offrant une grande porosité entre les points de vue, ainsi qu’une large part à l’adaptation individuelle et collective des perspectives. Le cas le plus frappant est sans doute celui d’Édouard Glissant, dont l’œuvre a su progressivement évoluer pour devenir un exemple de pensée en action, pertinente dans le contexte du discours antillais mais également pour tout individu souhaitant se définir spatialement dans un monde mondialisé. En évitant de polariser méthodes et idéologies, en prenant le recul historique nécessaire à la compréhension du monde, Prieto place ainsi son travail sous l’égide de Jean Paulhan, pour qui la notion ‘d’extrême milieu’ (p. 11), placée aux antipodes du lieu commun ou du non-lieu, est porteuse d’une pensée radicale, humaniste et interdisciplinaire.

Jean-François Duclos
Metropolitan State University of Denver
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