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Reviewed by:
  • Aux marges de la ville et de l’État. Camps palestiniens au Liban et favelas cariocas by Amanda S. A. Dias
  • Paula Vasquez Lezama
Dias, Amanda S. A. Aux marges de la ville et de l’État. Camps palestiniens au Liban et favelas cariocas, Paris: Karthala, 2013, 411 pages.

L’ouvrage d’Amanda Dias constitue une comparaison audacieuse et stimulante entre une favela brésilienne et un camp de réfugiés au Liban. Ce travail est issu de sa thèse doctorale et la présentation des analyses et la composition des chapitres est remarquablement équilibrée. Le livre est composé de trois parties, qui se rapportent à trois activités tant du chercheur engagé que des « intellectuels organiques » que la chercheuse a rencontré sur le terrain : percevoir, habiter et agir. La démarche réflexive de l’enquête est présentée avec rigueur. Dans chacune de ces parties, l’auteur interroge simultanément le temps – l’histoire mais aussi les évènements du présent – et l’espace – les lieux mais également le poids de la géopolitique – de la vie quotidienne dans une favela de Rio de Janeiro et dans un camp de réfugiés palestiniens situé au Liban.

D’une certaine manière, le concept d’hétérotopie de Michel Foucault est transversal à la problématisation des espaces urbains que propose Amanda Dias. Michel Foucault suggère, dans les textes que Dias cite dans son livre, la possibilité de développer une science supposée définir les « lieux autres » – soit ces espaces qui, définis par la société, produisent de l’exclusion, ou du moins catégorisent une certaine partie de la population, et ce faisant, la marginalisent. Ces espaces assignent un lieu propre à des groupes sociaux, en marge du système mais régulé par celui-ci. L’hétérotopie c’est donc avant tout le « lieu autre » mais aussi le « lieu de l’autre » comme espace assigné par autrui.

Ainsi, la place imaginée et imaginaire occupée par les habitants de la favela Acari et du camps de refugié Beddawi dans la société brésilienne ou libanaise est simultanément tant un lieu de vide d’institutions, de ségrégation spatiale et de stigmatisation, qu’un lieu de résistance et de vivre ensemble. Dans la première partie, « Percevoir », l’auteure insiste particulièrement sur la construction sociale de la favela en allant de l’analyse d’une tradition ancienne de la sociologie brésilienne sur la perception du favelado comme altérité à la société formelle, jusqu’aux « théories du complot » qui prédominent dans le camps de réfugiés palestiniens au Liban. Le pari est tenu. Les deux réalités sont imbriquées de jeux de perception qui agissent comme des miroirs de la société dominante. Peut-être les pages les plus réussies de cette partie sont celles consacrées au long travail de terrain mené au Liban où l’auteure prend agilement en compte le poids de la dimension globale du conflit israélo-palestinien dans ce jeu de miroirs. Tenir le pari de la comparaison de ces deux terrains si distants est un défi épistémologique. Les réfugiés palestiniens ont un statut officiel qui leur nie l’accès à la citoyenneté libanaise ; d’une certaine manière, ils sont des parias écrasés par l’un des conflits les plus dramatiques et médiatisés du monde contemporain. Dans le cas du Brésil, c’est la perception de la favela comme « l’échec » du processus de constitution d’un État-nation moderne et « développé » qui marque la perception sociale de l’espace.

La deuxième partie de l’ouvrage, « Habiter » est peut-être la plus riche du point de vue ethnographique. Un travail consistant d’anthropologie de l’espace aborde de manière critique le processus d’urbanisation du camp libanais et d’intégration de la favela carioca à la ville. On regrettera que l’auteure n’entre pas en dialogue avec les travaux de l’anthropologue brésilien Roberto da Matta, et plus particulièrement avec ses...

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