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Reviewed by:
  • Only Muslim: Embodying Islam in Twentieth-Century France by Naomi Davidson
  • Abdellali Hajjat
Naomi Davidson Only Muslim: Embodying Islam in Twentieth-Century France Ithaca, Cornell University Press, 2012, XI-299 p.

Ce livre cherche à comprendre pourquoi, durant la période coloniale, l’État français, laïque et universaliste, administre en métropole « ses » populations coloniales en fonction de leur supposée appartenance religieuse musulmane. La réponse réside dans la création [End Page 1084] de ce que l’auteure appelle l’« islam français », défini comme « un système qui combine le républicanisme laïque français avec les pratiques incorporées et l’esthétique de l’islam orthodoxe marocain telles que perçues par l’imaginaire français» (p. 1). Élaborée par des acteurs politiques, administrateurs coloniaux, scientifiques, architectes, urbanistes et indigénophiles durant les années 1920, cette vision française de l’islam assigne une identité religieuse incorporée, qui fonctionne comme une identité racialisée marquée du sceau de l’exclusivité (only muslim) et de la permanence.

Le premier chapitre revient sur le contexte idéologique qui débouche sur l’impossibilité de distinguer les personnes identifiées comme musulmanes de leurs pratiques religieuses. Les chapitres deux et trois, les plus convaincants, illustrent les contradictions de l’« islam français » au travers de la construction de la mosquée de Paris et de l’Institut musulman, qui sont devenus, parallèlement aux structures d’encadrement social et policier, l’unique intermédiaire de l’État pour gérer ses relations avec ses sujets musulmans. Le chapitre quatre se focalise sur la période de Vichy qui promeut un « islam en France » plutôt qu’un « islam français ». Le chapitre cinq s’intéresse à la période de la guerre d’Algérie et à la compétition entre l’État et le Front de libération nationale (Fln) dans leur vision de l’islam. Le chapitre six évoque les politiques publiques en direction des immigrés et les débats publics des années 1970, utilisant des termes explicitement raciaux et culturels.

L’originalité du livre est de prendre à bras-le-corps la difficile articulation entre race et religion, en insistant sur la dimension corporelle et spatiale de l’assignation identitaire. L’auteure montre que l’accent mis par l’« islam français » sur les pratiques religieuses corporelles n’est pas qu’une vue de l’esprit des orientalistes. Ces rituels sont en effet théorisés par les clercs musulmans comme faisant partie intégrante de la foi musulmane. Cependant, l’« islam français » se retrouve toujours en décalage avec la réalité des islams au Maghreb et en métropole, puisqu’il existe des pratiques religieuses «hétérodoxes» chez les populations colonisées (adoration des saints, maraboutisme, consommation d’alcool, de tabac, non pratique de la prière, etc.). Ainsi, il n’existe pas d’islam en soi. N. Davidson insiste à juste titre sur le fait que l’assignation des colonisés à leur islamité ne correspond pas au passage d’un racisme biologique à un racisme culturel, mais au processus inverse: au lieu de masquer un racisme biologique classique, les discours français créent la catégorie totalisante, religioculturelle, réductrice, biologisante, de « musulman ».

Il aurait été souhaitable que l’auteure mobilise la littérature sur l’anthropologie raciale et la racialisation religieuse des musulmans, et justifie l’absence totale du concept d’islamophobie. Par ailleurs, elle tend à sousestimer la dimension juridique du processus de racialisation, ce qui l’entraîne à formuler des affirmations discutables. Ainsi, l’assignation identitaire musulmane des colonisés ne s’est pas essentiellement construite dans les années 1920, mais elle s’est fixée dans le savoir orientaliste et le droit colonial dès la fin du XIXe siècle. La question de l’application du droit colonial (code pénal, code des élections, etc.) en métropole pour les Français musulmans d’Algérie n’est pas traitée alors qu’elle illustre les tensions de la distinction entre nationaux et citoyens1. La procédure de naturalisation des indigènes r...

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