Konversionen in Rom in der Frühen Neuzeit. Das Ospizio dei Convertendi 1673-1750 by Ricarda Matheus (review)

Depuis un quart de siècle, les conversions religieuses ont fait l’objet de nombreuses études, notamment pour l’époque moderne. La plupart de ces travaux se sont principalement intéressés au changement de confession (ou de religion) de personnages clés de la vie politique – princes ou grands nobles – ou intellectuelle. En revanche, comme le montre Ricarda Matheus en introduction, dans un bilan historiographique étoffé, les conversions des gens plus humbles, pourtant bien plus nombreuses, ont beaucoup moins retenu l’attention des historiens. Toutefois, les sources ne font pas défaut. Pour le catholicisme, les archives romaines conservent de nombreux matériaux exploitables en ce sens, en particulier ceux de l’Ospizio dei Convertendi, objet de la présente étude. Cette institution charitable fut fondée en 1673 pour accueillir les protestants étrangers qui souhaitaient abjurer leur «hérésie» et revenir ainsi dans le giron de l’Église. L’histoire de cet hospice permet de s’approcher d’un nombre considérable de convertis, environ 6 700 pour la période retenue par l’auteure (1673-1750), période qui, malgré des fluctuations annuelles notables, est aussi la plus prolifique, les chiffres baissant sensiblement dans la seconde moitié du XVIII^e siècle.

Si des données de ce type n’existent que depuis le dernier tiers du XVII^e siècle, ce n’est pas le fruit du hasard. La fondation de l’hospice correspond en effet à un « changement de paradigme» de la politique papale en vue de l’accueil des hérétiques étrangers à Rome. Selon Irene Fosi, que l’auteure suit à ce propos, c’est au cours du XVII^e siècle, en particulier après 1650, que la conversion des protestants devient l’objectif principal de l’établissement, ceux-ci étant désormais accueillis dans la Ville Éternelle sans grand risque de persécution, contrairement à la pratique jusque-là dominante¹. La fondation de case pie, consacrées à l’accueil des volontaires, en était la conséquence logique, et celle de l’hospice romain n’est pas le seul exemple. Son histoire n’est pas inexplorée². L’étude de R. Matheus est toutefois beaucoup plus approfondie. Elle se fonde sur l’ensemble de la documentation qui concerne directement l’histoire de l’hospice et inclut des archives hors du fonds principal conservé à l’Archivio segreto vaticano.

Divisé en cinq chapitres, le livre étudie d’abord la fondation de l’hospice, due essentiellement aux initiatives de l’oratorien Mariano Sozzini et de l’Écossais William Leslie. Dans les pages précédentes, un coup d’œil stimulant est jeté sur la «préhistoire» de l’institution, qui permet de retracer le « changement de paradigme» évoqué concernant l’accueil des hérétiques à Rome. Un deuxième chapitre présente les grands traits organisationnels de l’institution : de la filiation des bâtiments accueillant l’hospice au personnel qui, dans une maison servant à la rééducation de protestants, se compose essentiellement de catéchistes (de plus en plus recrutés parmi les convertis eux-mêmes), et jusqu’à l’organisation de la vie quotidienne, où l’on relève notamment des pages sinon appétissantes du moins tout à fait stimulantes sur l’alimentation des accueillis. L’on comprend que la bonne cuisine de l’hospice, qui semble avoir été bien connue, n’a pas dû décourager les envies de conversion… Le troisième chapitre est consacré à l’étude quantitative de la population accueillie, alors que le quatrième s’interroge précisément sur les raisons du changement de confession. Le dernier chapitre revient sur l’institution en analysant les moyens investis ou imposés pour permettre le passage à la nouvelle « religion », depuis les méthodes éducatives employées (les différents catéchismes en usage) jusqu’à l’acte d’abjuration de l’hérésie, effectué, normalement, devant le Saint-Office selon la procédure des...