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Reviewed by:
  • Theologians and Contract Law: The Moral Transformation of the Ius commune (ca. 1500-1650) by Wim Decock
  • Sylvain Piron
Wim Decock Theologians and Contract Law: The Moral Transformation of the Ius commune (ca. 1500-1650) Leyde/Boston, Nijhoff, 2013, XVI-723 p.

C’est un véritable tour de force qu’accomplit Wim Decock en proposant une synthèse claire et fortement charpentée sur un sujet aussi vaste et épineux que le traitement du droit des contrats par la théologie morale catholique de l’âge moderne. Impressionnants par leur masse et leur complexité, les nombreux traités De contractibus ou De iustitia et iure de la seconde scolastique n’avaient encore jamais fait l’objet d’une telle exploration en règle. Le panorama des auteurs et des œuvres dressé dans le deuxième chapitre, des dominicains Cajetan et Vitoria aux jésuites Léonard Lessius et Pedro de Oñate, est particulièrement précieux. De surcroît, l’ouvrage a le mérite de les situer dans une perspective de longue durée, en fournissant sur chaque point étudié un riche aperçu des sources romaines et médiévales et en présentant le prolongement de ces discussions chez Grotius et Pothier, pris comme témoins de l’école du droit naturel.

Comme le montre l’auteur, cette saisie du droit civil par la théologie morale produit une révolution juridique. Développant la doctrine, initialement élaborée par le droit canon médiéval, de la validité des pactes en l’absence de toute formalité (pacta quantumcumque nuda sunt servanda), les théologiens modernes ont formulé une catégorie générale du contrat fondée sur le seul consentement éclairé des parties. C’est en cela que tient la « transformation morale » du droit civil européen annoncée dans le titre. La distinction entre obligations morales et obligations juridiques, issue du droit canon médiéval et fortement énoncée par Thomas d’Aquin, s’accompagnait d’une dissociation réelle des deux registres, les romanistes défendant fermement l’autonomie du droit civil. La particularité du moment moderne tient à ce que l’analyse des obligations juridiques se plie dès lors à des critères issus de la théologie morale. La liberté contractuelle n’est pas défendue en tant que principe juridique autonome, mais pour des raisons théologiques, au nom du libre arbitre des contractants. Le droit civil romain se trouve littéralement absorbé et retravaillé par cette doctrine consensualiste. Ce déplacement n’est pas uniquement doctrinal: il est largement entériné par le droit positif des pays catholiques, à commencer par la législation espagnole.

Une fois exposée cette formulation d’une théorie générale du contrat, l’auteur examine les différentes limites posées à l’exercice de la liberté reconnue aux contractants. Au titre des « limites naturelles » sont longuement analysées les casuistiques qui font de la contrainte ou de l’erreur des motifs de nullité du contrat. Si le cas du mariage est ici central, c’est la question des testaments nuncupatifs qui domine le débat sur les « limites formelles » posées à la liberté des contractants, tandis que la prostitution fournit la pierre de touche des discussions sur les restrictions liées à l’immoralité de l’objet du contrat. Après avoir fait ressortir la richesse et la diversité des positions adoptées sur ces points, le septième chapitre aborde ce qui constitue l’élément distinctif de cette «transformation » qui impose que l’acte juridique lui-même soit moralement qualifié. La liberté de contracter défendue par les théologiens a pour corrélatif le souci de l’équité de la relation contractuelle. C’est évidemment le juste prix qui est alors au centre de l’attention. En conclusion de son ouvrage, W. Decock revient de façon plus synthétique sur les thèmes qui parcourent l’ensemble du livre, que ce soit la tension entre liberté et justice ou la compétition entre cette doctrine morale qui scrute les consciences et le droit civil positif. La dernière section souligne l’originalité de cette...

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