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Reviewed by:
  • Eretici e libertini nel Cinquecento italiano by Luca Addante
  • Jean-Pierre Cavaillé
Luca Addante Eretici e libertini nel Cinquecento italiano Rome, Laterza, 2010, XIII-225 p.

Le dernier livre de Luca Addante possède de nombreuses qualités : par les données historiographiques nouvelles qu’il apporte; par sa capacité à renouveler le débat autour du « libertinage », catégorie aujourd’hui intégrée, voire réifiée et, pour cette raison même, âprement contestée1; par le trouble qu’il provoque dans les études cloisonnées d’histoire religieuse de l’hérésie et d’histoire de la libre pensée; par la mise en perspective d’une histoire longue, à l’âge moderne, de la revendication des libertés et de leur répression; enfin, par ses enjeux de philosophie morale et politique, tout à fait contemporains, à peine esquissés ici, mais développés depuis la parution du livre.

L’ouvrage traite avec beaucoup d’érudition, de finesse et de fermeté, des processus de radicalisation internes au valdésianisme, ce courant de spiritualité hétérodoxe qui s’est développé dans la péninsule italienne au milieu du XVIe siècle, attaché au nom de Juan de Valdés, humaniste espagnol résidant à Naples2. À partir de positions « cryptoluthériennes », des disciples méridionaux de Valdés, parmi lesquels certains furent très proches du maître, évoluent vers l’anti-trinitarisme. [End Page 1038] Certains vont plus loin et mettent en question la révélation chrétienne, affirmant la nature apocryphe des Évangiles. Ils se tournent vers le judaïsme ou le mahométisme, voire critiquent toutes les religions instituées, adhèrent à des thèses proto-matérialistes et avoisinent une sorte de déisme, fatalement perçu par les contemporains (et non sans raison, dans le contexte des idées religieuses du xvie siècle) comme un athéisme pur et simple.

Des suspects et des repentis, interrogés par l’Inquisition, reconnaissent la présence dans le vice-royaume de Naples d’« hérétiques luthériens », d’« anabaptistes et d’ariens en grande quantité ». Même si l’on peut s’interroger sur leur nombre, leur existence ne fait pas de doute. Il y aurait à Naples « une nouvelle secte d’hérétiques […] qui, entre autres hérésies, considèrent que le Christ n’est pas Dieu mais un grand prophète et [qu’il] n’est pas venu comme messie, mais comme prophète et qu’il n’est pas encore ressuscité […] et même, ils nient tout le Nouveau Testament» (Pietro Manelfi, 1551). Certains d’entre eux, par la suite, fuyant Naples, s’établirent dans l’Italie du Nord-Est, au contact de communautés anabaptistes, développant une véritable stratégie d’« entrisme» (acceptant par exemple de manière instrumentale le rebaptême) pour mieux diffuser leurs idées antitrinitaires, non sans succès d’ailleurs.

Le travail de L. Addante s’appuie sur une série de cas singuliers bien connus des spécialistes d’histoire de l’hérésie mais jusqu’ici étudiés séparément, sans saisir leur appartenance à un mouvement plus général. Parmi ces personnages considérés comme « extravagants » figure l’ex-bénédictin Giovanni Laureto qui, lors de sa comparution « spontanée » à Venise en 1553, confessa son parcours d’hérétique, entamé au contact de son compatriote Girolamo Busale. Ce représentant majeur du radicalisme valdésien l’entraîna sur les voies de l’anabaptisme et de l’« antitrinitarisme ». Laureto glissa ensuite du refus de la divinité du Christ à l’étude de l’hébreu et se rendit à Salonique parfaire sa connaissance du judaïsme; il se convertit et fut circoncis. Mais loin de demeurer convaincu dans son judaïsme, il se mit à considérer comme « bagatelles, superstitions et billevesées » les opinions des juifs, « mais aussi de toutes les autres sectes [qu’il avait] suivies jusque-là ». Cette déception générale avait fini par le convaincre – du moins l’affirma-t-il aux inquisiteurs – de retourner «au sein de la sainte Église romaine» (p...

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